Billet d’humeur Ceux duvin TEXTE Sylvie AugereauILLUSTRATION Debora Szpilman En campagne. C’est là que ça se passe. Pas celle des électeurs. Celle des acteurs. De la vraie vie. Qui la respectent, l’observent et la cultivent. Les vignerons, dont on parle, ont compris depuis longtemps qu’il ne lui restait guère de temps, à la nature. Ceux-là préfèrent le terme d’artisan à celui d’exploitant. Parce que l’«on ne commande à la nature qu’en lui obéissant*» (Francis Bacon). Parce qu’elle sévit de plus en plus férocement à force de nos débordements. Parce qu’elle emporte tout ce qu’elle a donné en un instant de grêle ou de gel. Tout cela a fait des vignerons des gens humbles. Et probablement un peu plus riches de ces dépossessions. Ils cultivent une plante pérenne qui leur survivra. Quand ils la mettent en terre, ils savent que c’est l’autre génération qui en récoltera les meilleurs fruits, plus denses et plus tendus par la minéralité qu’auront conquise les racines. Dans le règne agricole, le vigneron est un être à part : c’est celui qui va jusqu’à la transformation du fruit qu’il a cultivé, qui va l’accompagner parfois encore des dizaines d’années après, vers le grand vin. Voilà pourquoi on trouve dans cette population nombre de visionnaires, souvent dans la lune de la biodynamie, parfois attelés à un cheval, et toujours un peu plus loin que là où on les attend. * in Novum Organum. L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION. DRINK IN MODERATION. ALCOHOL ABUSE IS HARMFUL TO YOUR HEALTH. 197