Une actrice française iconoclaste, un duo au son garage et le pape du rock psychédélique… Difficile d’imaginer casting plus détonant que ce carré d’as. La magie des rencontres a tranché : Emmanuelle Seigner, The Limiñanas et Anton Newcombe distillent une musique diabolique ! Àlapointede L’Épée TEXTEChristophe Conte PHOTOMathieu Martin Delacroix L’Épée est une tribu montée au pas de mêmes références que moi. On n’a pas seule mise en avant. Non seulement ça charge, dans l’urgence qui sied au beaucoup eu à s’apprivoiser, le courant correspond plus à ma culture, mais j’aime rock’n’roll, affûtée en quelques jours à est passé d’emblée». aussi le côté colonie de vacances. Très vite peine il y a deux ans. Emmanuelle Une semaine après un premier contact on a prévu de partir en tournée ensemble, Seigner a alors (presque) renoncé à la téléphonique, Emmanuelle se retrouve de ne pas s’arrêter à l’album». musique pour se consacrer à sa carrière chez Lionel et Marie Limiñana (photo, Un cinquième élément s’est même glissé de comédienne. Un premier album avec à droite), et derrière un micro, pour un parmi ce gang électrique, en l’occurrence le duo parisien Ultra Orange, en 2007, premier galop d’essai qui terminera sur Bertrand Belin, qui a écrit trois textes et avait comblé un temps ses désirs enfouis l’album gravé en 2018 par les Limiñanas, prêté sa voix caverneuse le temps d’un de jeune sauvageonne élevée dans les la chanson lui donnant d’ailleurs son duo baptisé «On dansait avec elle». «J’ai beaux quartiers mais éprise de Lou Reed titre, Shadow People. «Je m’étais mis une imaginé l’album comme un film à sketches et d’Iggy Pop. En revanche, deux autres sacrée pression, confesse Lionel, car je à l’italienne, précise Lionel Limiñana. albums un peu trop sages, parus sous son connaissais Emmanuelle comme comé- Chaque chanson est une petite histoire, seul nom, l’avaient laissée insatisfaite dienne, j’avais adoré Frantic de Polanski,avec Emmanuelle comme personnage – malgré un duo avec Iggy –, incaablep notamment. Je ne savais pas ce qu’elle principal». D’où l’atmosphère cinémato- de jouer ce rôle-là, celui d’une égérie popattendait de moi, je savais juste ce qu’ellegraphique d’un disque qui associe la lan- cloisonnée dans l’imaginaire sixties des ne voulait pas, à savoir quelque chose de gueur sourde du garage rock sixties, les directeurs artistiques. lisse. Ça m’arrangeait, car ça je ne sais jeux de timbres et entrechocs d’instru- «On voulait que je fasse des reprises pas faire». Ce qui s’annonce au départ ments à la Ennio Morricone, une touche de Bardot, ce n’était pas du tout ce dont comme un album solo avec des shdaow de yéyé tordue par les manipulations j’avais envie», explique-t-elle, entourée people pour accompagnerEmmanuelle «diaboliques» de Newcombe, et l’abrasi- de ceux grâce auxquels elle aura fini par Seigner prend un autre visage avec l’arri-vité urbaine du «Venus in Furs» de The trouver un nouvel élan : The Limiñanas, vée de Newcombe, ami de longue date Velvet Underground qui transfuse l’en- duo familial et supersonique de Cabes- des Perpignanais, qui rajoute une touche semble. Vénus à la fourrure inoubliable tany (Pyrénées-Orientales) et Anton psychédélique aux chansons, puis fait un chez Roman Polanski, Emmanuelle Newcombe, New-Yorkais délocalisé à rêve étrange où il «voit» le groupe qu’ilsSeigner a retrouvé en musique la parure Berlin et leader de The Brian Jonestown vont former tous les quatre, ainsi qu’un rock et racée dont elle a toujours rêvé. Massacre. «Lorsque j’ai entendu pour la nom : L’Épée. «C’est un nom génial, première fois The Limiñanas, j’ai su que s’enthousiasme la chanteuse. Une épée, c’était exactement ce que je cherchais ça sert à la fois à anoblir et à couper des DIABOLIQUE Album à paraître en vain depuis des années, c’est-à-dire têtes, et puis ce sont des chansons tran- le 6 septembre, des gens avec qui je sois sur la même chantes, sans compromis. Ça me ravit de EP Dreams déjà disponible longueur d’onde, qui partagent les faire partie d’un groupe, de ne pas être la chez Because Music. 51