Correspondances carte blanche Cordillère des ondes Felipe Maqui est né en Argentine, il a vécu une grande partie de sa jeunesse en Espagne, s’y est marié, et c’est à l’occasion de sa lune de miel à Quito qu’il a décidé d’y rester. Il dirige aujourd’hui La Ideal, un lieu de vie artistique «Le mot d’ordre du quartier de La Mariscal, limitrophe de La Floresta mais réputé quant à lui pour sa vie qui prévaut, c’est do it nocturne, ses boîtes de nuit et sa bruyante effervescence parfois redoutée des riverains. yourself. Il n’y a pas Selon Felipe, qui joue aussi de la guitare derrière l’une des chanteuses les plus connues du pays Paola Navarrete, «l’Équateur a longtemps vraiment de marché été un pont brisé entre la Colombie et le Pérou. Les promoteurs étrangers faisaient comme si le musical, alors les artistes pays n’existait pas. Ça commence à changer, mais c’est encore très timide.» Dans la belle salle de 500 places qu’abriteLa Ideal, plus de 80 concerts ont eu lieu depuisse débrouillent seuls.» deux ans, non seulement avec des artistes Martín González équatoriens, mais aussi d’autres venus du reste du continent ou d’Europe. Nicolá Cruz, le DJ et musicien équatorien le plus connu au monde, y tient une résidence presque chaque semaine et aucun musicien de la ville ou de passage ne fait l’impasse sur ce lieu «idéal» et bien nommé. Personne n’ignore également Radio Cocoa, une plateforme Pedro Ortiz, de Da Pawn, groupe dont le rock raffiné puise en ligne qui met en lumière toute la création musicale autant ses influences dans la musique de Radiohead que dans équatorienne, propose des podcasts, des sessions vidéos et le pasillo, folklore équatorien au romantisme délicat, confirme fait office également de magazine culturel. Basée à l’intérieurcette volonté. Mais l’illustration parfaite de ce choc des de la prestigieuse Université San Francisco de Quito, elle cultures est donnée par Eduardo Zambrano Gómez, prodige dispose d’un minuscule bureau occupé par son directeur et électro qui se dissimule à la scène sous le nom de Lascivio ex-étudiant Martín González. «Nous avons pris modèle au Bohemia, mais ne cache en revanche rien de ses intentions. départ sur les radios campus américaines, l’idée étant de «Je trouvais que la musique électronique ici n’était qu’une donner de la visibilité à la création indépendante. Ici, le motparodie de celle que l’on entend partout dans le monde, alors d’ordre qui prévaut, c’est do it yourself. Il n’y a pas vraimentj’ai eu envie d’y apporter ce qui fait la singularité de notre de marché musical, de labels, alors les artistes se débrouillentmusique, de nos traditions, mais avec une énergie vraiment seuls, par nécessité plus que par choix, même si à l’arrivée celacontemporaine.» Avec les irrésistibles La Cumbia Quitapenas donne des choses intéressantes car les gens se sentent libres.»ou La Cumbia Hipnótica, il dynamise ainsi la cumbia des Andes, différente de la cumbia colombienne qui résonne Électro mélancolia déjà dans la sono mondiale. Une musique qui porte la marque Martín évoque lui aussi cette mélancolie propre aux gens de des croisements ethniques équatoriens, mêlant rythmiques Quito, qu’il relie quant à lui à la situation topographique de laafricaines, guitares espagnoles et flûtes des Andes. ville, grand plateau entièrement cerné de montagnes et de De ces mêmes racines est né le projet Evha, acronyme de volcans, les deux cordillères procurant à la fois, lorsque l’onEl Viejo Hombre de los Andes («le vieil homme des Andes», s’y trouve, un sentiment de protection et d’isolement, les cimesqui n’est autre qu’un cactus géant de la jungle équatoriale), des montagnes étant coiffées une grande partie de la journée un quartet basé à Quito, mais dont chaque membre est de nuages épais qui semblent calfeutrer la cité, mais se signalentoriginaire d’une région différente du pays. «En Équateur, parfois par des précipitations soudaines. «Ces variations précise Martín Calderón, à la fois manager et responsable des brutales, remarque Martín González, se retrouvent dans la visuels scéniques du groupe, les gens sont assez différents musique faite ici. Il y a un très grand bouillonnement créatif etselon qu’ils ont grandi sur la côte, à Guayaquil, dans la jungle les sons eux-mêmes sont très agités, très changeants. Beaucoup ou dans les terres montagneuses comme à Quito.» Un de jeunes artistes aujourd’hui vont puiser dans les racines de sentiment commun les traverse pourtant. Lequel ? La la musique équatorienne, croisent ces styles ancestraux avec lamélancolie, toujours. «Ou la tristesse joyeuse» nous souffle un modernité de l’électro, du hip-hop. Les jeunes générations sontserveur du coffee-shop de La Floresta. L’oxymore est compris fières de pouvoir montrer ce qui a fondé leur culture.» dans l’addition. Felipe Maqui, directeur de La Ideal et guitariste de Paola Navarrete . Felipe Maqui, director of La Ideal, and guitarist for Paola Navarrete. 123