Boussoles à la page Tomás Saraceno (ci-contre). Projets en ébauche dans son atelier-laboratoire berlinois. Tomás Saraceno (left). Projects being developed in his Berlin lab-studio. Poétique ducosmos TEXTE Natacha Wolinski S’inspirant de l’univers aérien des arachnides, Tomás Saraceno tisse un art en apesanteur, nourri de science et d’architecture. Le plasticien argentin nous a ouvert son atelier berlinois durant la préparation d’une exposition majeure, aujourd’hui présentée au Palais de Tokyo, à Paris. J’ai toujours rêvé de flot-Une autre de ces énormes bulles, fondées dialoguer avec les araignées.» Tandis qu’il ter parmi les nuages. sur l’idée du recyclage et de l’économie dresse les grandes lignes de son exposition L’idée de créer un musée d’énergie, est présentée au Palais de synesthésique, d’étranges harmoniques volant est né de ce désir.»Tokyo, dont Tomás Saraceno occupe tous s’échappent d’un édifice voisin, qui sert à Depuis dix ans déjà, les espaces, à l’occasion d’une carte la fois de réserve et de laboratoire d’essais. Tomás Saraceno lance des sculptures blanche orchestrée par la commissaire Un concerto pour cordes, mais sans violon flottantes dans le ciel. À Berlin, dans l’ate-Rebecca Lamarche-Vadel. ni archets, se joue dans une salle vaste lier où l’artiste argentin s’est installé il yAu règne de l’anthropocène, période comme trois navires. Ici, ce ne sont pas les a sept ans – une ancienne usine Agfa — funeste au cours de laquelle l’homme a arachnides mais de sages assistants qui ont un étage entier est dévolu à ce projet stra-dégradé l’écosystème terrestre, Tomás passé des journées entières à créer une tosphérique. Derrière les bureaux à larges Saraceno oppose celui de l’«aérocène», autre forme de toile à partir de milliers fenêtres qui dominent la Spree, des assis- nouvelle ère glorifiant l’apesanteur, de fils noués. On pénètre dans ce réseau tants venus des quatre coins du globe la légèreté, l’économie de moyens et la libredense comme dans une chambre d’échos, suivent en direct, les uns sur une grande circulation – des sphères, des idées, des puisqu’à frôler ou pincer les fils, qui ont carte, d’autres sur un site web, la trajec-sons, des hommes et même des animaux. été sonorisés, on provoque un tsunami de toire de ces «ballons» migrateurs. Au 2 étage du bâtiment principal qu’ile sonorités vibratoires. «Au Palais de Tokyo, «Partout dans le monde, nous lançons des occupe, l’artiste cohabite paisiblement l’installation sera plus grande encore et opérations de récupération de sacs plas- avec des centaines d’araignées qui tissent nous organiserons des “cosmic jams”. Les tique. Les gens les lavent, les découpent, leurs toiles autour de structures métal- gens devront coordonner leur jeu, car un dessinent dessus, puis ils solidarisent tousliques, composant de fascinantes dentelles son réverbère l’autre...» Dans un espace ces dessins et créent des sortes de sphèresrhizomatiques qui sont présentées au attenant plongé dans le noir, des sphères mues uniquement par le soleil et les Palais de Tokyo sous cloche et sous le feu miroitantes dispersent des lueurs et des vents.» L’une de ces sculptures aériennes de projecteurs. «Ces fils de soie trans- fantaisies immenses aux murs. Introduits avait pris son envol à Paris, en 2015, lorsmettent très bien les vibrations, si bien dans ce dispositif géant de lanterne de la Cop21, scellant définitivement la que nous allons les sonoriser et deman- magique, les visiteurs éberlués projettent notoriété de Tomás Saraceno, artiste der à des musiciens de venir réaliser des des ombres dérisoires. À l’échelle cosmique transportant qui croise avec une grâce “arachno-concerts”. Il leur faudra trou- des œuvres de Tomás Saraceno, l’homme céleste les arts, les sciences et les utopies.ver des fréquences qui leur permettent de est un grain de sable dans l’univers… 104