Boussoles à la page Julien Heissler, chef de projet Vinyle chez Universal Music. Julien Heissler, LP manager at Universal Music . La réédition anniversaire de The Beatles, sortie en 2018 chez Apple Records/Universal Music. The 2018 anniversary rerelease of The Beatles, by Apple Records/Universal Music. Empreinte sonore Très circonspectes au départ, car cette embellie fut d’abord initiée par les labels et les disquaires indépendants, les majors compagnies de la musique ont finalement pris la mesure de cette déferlante en relançant la fabrication d’une part importante de leur catalogue, suivies par les grandes enseignes culturelles qui ont vu leurs rayons disques se transformer pour offrir une place de choix à ce support revenu par miracle de l’oubli. Universal Music France a même fini par embaucher un vrai mordu du vinyle, Julien Heissler, pour traiter à la fois des rééditions internationales et de ressorties spécifiques, comme les premiers enregistrements de la Motown. «Ce qui pouvait passer pour un effet de mode est devenu un phénomène d’ampleur, confirme- t-il. Le vinyle représente désormais 17% du chiffre d’affaires d’Universal (14% du marché global), et même dans le rap, une musique beaucoup écoutée en streaming, les ventes bondissent.» Pour Étienne Daho, artiste signé chez Universal mais aussi grand consommateur de vinyles, il serait aujourd’hui impensable de sortir un album en négligeant ce format : «J’ai appris la musique en écoutant des vinyles et j’étais très malheureux de leur disparition. Certains de mes albums ne sont pas sortis en 33-tours à l’époque, et dès que j’ai pu, j’en ai fait faire des rééditions. Il y a aujourd’hui une relation affective, presque charnelle, à cet objet. On a fait croire que tout devait désormais provenir de l’ordinateur en négligeant le fait que certaines personnes avaient un besoin viscéral de sentir l’objet, de le toucher, ce qui n’est pas incompatible avec une écoute en streaming». Un goût du cérémonial confirmé par Quentin Devillers, propriétaire de la boutique Record Station à Paris, spécialisée dans les pressages originaux : «Je vois désormais une clientèle qui achète un album pour véritablement l’écouter, sans rien faire d’autre. On s’assoit dans un canapé, on retourne le disque, on retrouve le vrai sens du rituel lié à l’écoute d’un album, alors que les autres supports avaient dénaturé ces lettres de noblesses qui n’appartiennent qu’au vinyle». Avec son Disquaire Day, jour dédié qui se tient au printemps et propose des éditions limitées (parfois hors de prix, rançon d’un succès que les labels exploitent jusqu’aux tréfonds du sillon), le disque noir a retrouvé des couleurs, et personne ne sait encore s’il s’agit d’un phénomène durable ou d’une ultime et incongrue manifestation d’un monde englouti, qui tourne à 33 tours par minute et provoque encore de beaux vertiges. 78 .RD otohp ,ACR © : ertnoc-iC .RD otohp ,ACR - atikuS ihsoyasaM otohp ,ACR - nabruD ykcuL © : setnedécérp segaP