Correspondances carte blanche e cherchez pas les échauguettes, les chemins de ronde et les églises romanes, cela ne fut jamais. Ne cherchez pas non plus les ruelles et les cours pavées embaumant le varech, les vieilles échoppes où se confectionnaient hier les coiffes bigoudènes, cela fut sans doute mais s’est enfui. En 1943, huit raids suffirent à réduire en cendres et moellons une ville entière. Lorient fit table rase et depuis, Lorient n’en finit pas de renaître. Norbert Métairie, maire de la commune depuis plus de vingt ans, résume cette tragédie d’une formule qui emporte : «Lorient n’est pas une ville de patrimoine contemplatif, mais de patrimoine dynamique». Et c’est vrai. Ici tout bouge. L’océan bien sûr et ses marées, le vent qui sans répit lave le ciel, les hélices des bateaux qui baratent les flots et gagnent en puissance l’île de Groix, les voiliers multicoques qui volent sur les vagues, toute la ville enfin qui voit ses quartiers reprendre de la vigueur, des restaurants s’ouvrir, des start-up s’agglomérer, de nouveaux secteurs bruisser de musiques et d’expositions. Cette appétence à vivre, cette aptitude au défi permanent, la ville semble en être constituée. Pas une pierre, pas un quai, pas une ruelle qui ne soient nés ici d’un sursaut. Si l’Orient m’était conté À la différence de ses voisines Quimper et Vannes, consolidées au fil des siècles, riches de sites classés monuments historiques, Lorient n’est pas une ville-musée. Elle est née d’un trait de plume sur un parchemin, le 31 août 1666, quand Louis XIV décida d’y fonder ex-nihilo, à la rencontre de 2 cours d’eau, un ensemble de chantiers navals. Jusqu’alors les navires sortaient des cales du Havre, mais la guerre avec les puissances européennes avait mis la ville sous pression. Lorient, plus éloignée des côtes anglaises et dotée d’une rade profonde, prit donc le relais. Les travaux démarrent, les ouvriers affluent. Chaque matin, ils se croisent sur le chantier d’un navire baptisé Soleil-d’Orient. Pour aller au plus court, tous l’appellent L’Orient. La ville a trouvé son nom. Atelier de 727 Sailbags, Un siècle passe. Construire, édifier, naviguer, s’ouvrir au monde, accueillir hommes, femmes, entreprise lorientaise de épices, marchandises de toutes origines et même «pacotilles» comme on appelle alors les pro- sacs en voiles recyclées. 727 Sailbags, a local duits de contrebande, en somme être un port, telle est la mission confiée à la Compagnie des firm making bags from Indes orientales qui s’est installée sur le site à l’ouverture des chantiers. Elle fera le bonheur de recycled sails. la ville, elle fera faillite aussi, et plus d’une fois. Aujourd’hui ses exceptionnelles collections sont présentées dans la rude forteresse de Port-Louis, édifiée de l’autre côté de la rade sur des plans Couleurs et lignes épurées signés par un élève de Vauban. Parce qu’à Lorient tout bouge, il est question que ces trésors signent l’identité soient un jour prochain rapatriés dans le centre-ville. des quartiers nés dans les années 1960. Le vaisseau des métamorphoses Clean lines and colors Peu à peu, et tandis que la démographie s’accroît, Lorient devient une terre de réjouissances. characterize the neighborhoods built Dans l’attente des bateaux sur lesquels on embarque ou qu’il faudra décharger, les populations in the 1960s. s’amusent. Les cafés, les théâtres, les salles de jeu… La ville se dote de l’éclairage urbain, devient une cité d’insouciance et d’affaires. Deux siècles passent encore et c’est le drame. L’occupant allemand décide d’y bâtir une base gigantesque pour abriter ses sous-marins, les redoutables U-Boote, les loups gris. Avec ténacité les Alliés vont tenter de détruire ce conglomérat de béton truffé d’alvéoles dans lesquelles nichent les vaisseaux. Ce sera un échec. Aujourd’hui l’ombre titanesque de cette masse domine tout un quartier. Trois bunkers géants, les K 1, 2 et 3 blindent l’horizon de leurs masses monumentales. La visite s’en impose, tout comme celle du sous-marin La Flore, dont l’étroitesse jure avec les dimensions de la base (dont les murs cyclopéens évoquent la muraille de Chine ou les décors de glace de Game of Thrones). Répulsive et fascinante, cette base est aujourd’hui le premier atout de Lorient. Suite au départ de la Marine nationale en 1997, le site était en perdition, il est en train de muer en quartier d’affaires et de divertissement. Rebaptisé tout simplement La Base, il accueille désormais des restaurants, des crêperies et toute une génération d’entreprises qui flairent le vent et relèvent défi sur défi. Bientôt une salle de concert sera inaugurée dans l’une des alvéoles. La municipalité voit grand. Et comment faire autrement, ici la vastitude est partout. Dans les édifices, dans 118