Boussoles elles & eux Un horizon net jouant légèrement avec les frontières du blues, deux instruments, poussés dans toute leur maîtrise pour se répondre, et les voix pour traits d’union. Silencieux, Ben Harper écoute son acolyte. Son instrument n’aen mantille. «Bad Habits», «When Love Is Not Enough», «Trust pas cette part d’ombre. Il doit se livrer, cordes et âme, face auYou to Dig My Grave»… Il n’a parfois pas été nécessaire de se public. Et pourtant, l’instrument de prédilection de Ben Harperconfier pour que les paroles de Ben Harper devinent la douleur aurait bien la même propension à l’opacité. C’est unelap steeldes mémoires de Musselwhite. Avec cette délicatesse de l’effleu- guitar, cette guitareaux plaintes lancinantes que les bluesmenrement. Blues intimiste, expiatoire, dont les angles s’adoucissent dégainent au gréde leurs mélancolies. Elle se joue assis, posée àsous les sonorités rondes de la langue anglaise. plat sur les cuisses, une barre métallique bottleneck( ) pour fareiLes chansons composent alors des géographies intimes, des glisser les sons. Le jeu préserve donc une forme d mytère, nee spaysages intérieurs. On serait tenté d’explorer les leurs. Celui de laissantvoir que le mouvement des mains, sans révéler précisé-l’enfance, par exemple. Chez Ben Harper, l’enfance est une mentle jeu des cordes. On ne sait trop comment en jaillissent lesmatière tout à la fois sonore et silencieuse. Élevé dans une famille notes, coulantes, baignées d’un soleil noir. Ses onortés ne sonts ide musiciens fous de guitares (ses grands-parents ont créé le Folk finalement pas si étrangères à celles de l’harmnica. D’ailleurs,oMusic Center de Claremont, en Californie), il concède volontiers lesdeux hommes emploient peu ou pru les mêms mos prtouo eque l’on y parlait peut-être un peu trop (contrairement à Charlie décrire leur territoire («un instrument parfait pour leblue,sMusselwhite, élevé à Memphis dans le silence d’une mère sou- proche de la voix, une façon de chanter sans mots», pour l’har-vent absente, qu’il ne croisait que le soir au dîner). «J’ai grandi monica de Musselwhite, «un timbre quasi vocal, sutout dan ler scerné de toutes sortes d’instruments de musique, que tout le glissando» chez Harper). Lorsquece derniermanipule ctt gieeu-monde jouait en même temps, dans une famille avec un sérieux tare étonnante, les yeux du public s’écarqullet, et ls plus méo-e linpenchant pour le verbe. On ne faisait pas que parler d’un sujet, manes de souligner ce que l’on avait put-ête reoublé : la matrisi î eon discutait de la discussion, et puis de la discussion de la dis- decet objet implique une vélocité praticuière. «Lesalbms lesl ucussion de la veille et puis de celle du lendemain ! C’était une plus connus de Ben Harper sont unleur. Derrière une dire rectionenfance à la fois bavarde et baignée de musique.» Ce qui a sans artistique d’une grande épure, qui lesrend trèsaccessiles c’steb,doute créé un halo suffisamment dense pour pouvoir se plonger unmusicien rigoureux, et sans doute l’un es plus grndsguit-ad aà l’intérieur de lui-même et considérer, «dès [qu’il fut] en âge de ristes au monde. Mais son jeu esthumble,iln ma’assène jais àréfléchir», que «l’on naissait avec la maturité d’esprit correspon- sonpublic des démonstrations lfamboyantes, doclesn gnsedant à l’âge auquel on finirait son chemin, adulte». Et qu’à passent souvent à côté de cet aspect atisque», anaye un éturti ls -mesure que l’on grandissait, l’âme rajeunissait, prête à renaître diant en production musicale de l’Abbe RadInstitue. Le motyo tau crépuscule de la vie. «Je n’ai jamais fait part de cette idée à qui le résume le mieux, d’ailleurs, serait cettevolonté de rechecherquiconque, et j’avoue ne pas vraiment savoir pourquoi j’ai tou- constante. Une curiosité de chercerqihu,u l’hbaite dpuis tou-ejours su cela». «Eh bien, cela me fait me sentir bien plus jeune !» jours et dont «la part trouble nourrit fi enalemnt e meilleurdeltonne Charlie Musselwhite, du haut de ses 75 ans. Ce simple [lui-même]». Ben Harper explore,lesson einss,lstrument Unes.mot d’enfance fait jaillir chez lui un tableau quasi intact. «J’ai tension qu’il partage avec Charlie Musselwhiteau-de, là desencore des souvenirs très précis de moi, gamin. Ces images sont années. «Nous sommes toujours entrain d’pprendre,d’affûteramême beaucoup plus vivaces que ce que j’ai mangé ce matin au notre technique. Ben me fait l’effetd’une personne névolutionepetit déjeuner ! Je revois mes premières rencontres avec le blues, constante», confie l’harmoniciste. Etd’aurdsuan n murmurejote,ce que j’ai ressenti, les musiciens de blues que j’ai connus. Ces rieur, «au passage, c’est un compliment, Ben ».! souvenirs sont vivants, ils sont là, dans ma tête, et je leur rends Dans ce tandem qu’il forme aujourd’hui veacCrliMhae usselwhite,visite régulièrement pour me recharger, me rappeler d’où je à l’occasion de l’albumNo Mercy In This Land Ben Hper n’a, arviens. Un peu à la manière d’un avocat qui consulte ses livres, je pas dérogé à ces principes. Uneligne pure, uhrin ozon netconvoque mes vieux souvenirs pour me rappeler qui j’étais et ce jouant légèrement avec les frontièrsedbu lue por l’inscriresuque je ressentais, et à quel point c’était bon. Et plus le temps dans une veine contemporaine, deux nsrument, l’hamonicait s rpasse, plus leur texture gagne en qualité». C’est ainsi que ces etla guitare, poussés dans toute leurmaîtise pour e répondre,r spaysages s’invitent dans les pensées, lorsqu’il crée de la musique, etles voix pour traits d’union. Chacu son spacedanunn e, sque cela soit seul ou aux côtés de Ben Harper. Une encre dans souci de respect et d’équilibre, point de fanfarnnade.L’albo umlaquelle puiser. «Tout, dans l’enfance, est une matière. Les odeurs qui les rassemble a été pensé aucoursd’une lonueournée,g tde la nourriture, et même les odeurs que l’on ne saurait identi- débutée en 2013, alors que les deux mciusiens, déàréunisj unefier… Ma sœur et moi nous remémorons souvent l’odeur de la première fois par John Lee Hookr,e faisieantlapromoiton demaison de notre grand-mère. Elle était merveilleuse, accueillante, Get Up!, leur premier opus ensemble. enveloppante. Des odeurs que l’on ne peut décrire, mais que Si leurs instruments jouent de masques, le leurre des mots, ennous connaissons pourtant tous les deux. Il y a aussi la façon revanche, n’est pas un possible, faisant presque leurs ceux dudont l’air caresse la peau, à certaines périodes de l’année. L’herbe poète Yves Bonnefoy : «Nous sommes des navires lourds de nous-fraîchement coupée… Imaginez, vous êtes dans une grange. Il y mêmes / Débordants de choses fermées, nous regardons / À laa l’odeur du foin. Le ciel s’assombrit, devient presque noir, bleu- proue de notre périple toute une eau noire / S’ouvrir presque et senoir. Le tonnerre approche. On sent déjà l’odeur de la pluie qui refuser, à jamais sans rive». Aussi, les démons d’avant, la noirceur1arrive. Elle vient fouetter le toit de la grange… Ouah, qu’on se des nuits intranquilles, Ben Harper a choisi de les dire, mettantsent bien !» Le tableau est là. Et le blues reprend son chemin. même son écriture au service des maux de Charlie Musselwhite. Le blues est ainsi, il fore sous les écorces du laid, en saisit la beauté1 Les Planches courbes, Yves Bonnefoy, Poésie/Gallimard. 76