Correspondances carte blanche a manqué de se faire bousculer par une voiture. Il parvient à invariable : accueillir, se laisser accoster, transiter. D’où cette rattraper le fuyard : magnifique explication de texte avec véhé- irrigation constante des influences : britannique, japonaise, mence, grands gestes, incantations féroces, probables jurons russe, coréenne, française – dont la vaste «concession» laisse à éructés «comme s’il avait un bourdon coincé sous la langue» penser que le graphisme de la ville s’est délecté de ces passages. (image locale). Peu de badauds. Les gens ont autre chose à faire. Finalement, ce que l’architecture a gravé, l’art en a repris le témoin. Le cinéma aussi. Il donne aux femmes ce sens L’œil aux aguets d’une esthétique insolente ; chose que l’on n’imaginerait même Cette ville ne dort pas. Pendant que ces mots sont griffonnés, voici pas à Pékin. La mode à Shanghai est délurée, naturelle. On ose qu’un bateau corne lourdement dans la rade. Vous vous arrêtez avec imprudence, effronterie : dépasser le genre une nouvelle une petite minute sur la grande promenade du Bund, un policier fois, prendre de vitesse le siècle et ne pas se laisser conter. Tou- vient vous demander de bouger, jours cette urgence à accomplir, de circuler, fluidité oblige. Pour- Aller devant, vite, ne serait-ce que son job, son tant ces derniers ne sont guère charme, son désir, partager une visibles. Comme à Singapour, les le bonheur, la fortune, marinade de crabes poilus au caméras de surveillance par mil- gingembre, cette tarte sablée liers offrent ce paradoxe trou-blant : les policiers n’ont plusla santé. La ville est dans au durian. Il y a cette mêmecoloration dans la cuisine. Les besoin de faire rouler leur sifflet,mais la molette de la caméra.cette énergie sacrée… gens aiment manger. Ils aimentle plaisir. Donc plaire ; avec Nous sommes encore à la ter- ces variations, ces ondulations rasse du Baker & Spice. Passe le calquées sur celles du fleuve. patron dans un coup de vent. Mais aussi des réverbérations Juste un mot, comment qualifier évoquées plus haut : les échos Shanghai ? : «La rapidité» dit-il binaires du porc hong shao, en repartant aussi vite. braisé au vin jaune et épices, à la fois raffiné, doux et robuste. Au pas de course C’est le portrait caché de la ville. Pour savoir plus de cette méga- Elle pourrait alors se dissimuler, pole, il faudrait donc pouvoir esquiver, comme on le fait à l’arrêter, piéger son silence, Paris, non, elle est franche (quel prendre son pouls. Mais c’est gain de temps !). Elle dit tout trop tard. Alors que d’autres haut ce que vous pensez tout se figent dans la posture (Hong bas. Elle pousse donc, articule, Kong, Pékin, Tokyo), Shanghai crie, rie, respire avec panache. fonce, bouscule, frotte, boxe, halète. Les ruades dans le métro, L’audace & le goût dans le bus, ne sont pas des L’art, arrivant ici par bouffées signes de rudesse, mais juste une rageuses, a singulièrement philosophie de vie. Aller devant, oxygéné la cité. Elle ose encore. vite, au lendemain, parce que Il y a la mode des rues, royale- l’on y est presque : le bonheur, ment décomplexée. Il y a la table la fortune, la santé. La ville est encore. Paul Pairet, 3 étoiles dans cette énergie sacrée, celle au Michelin, n’aurait jamais des arrivants, dans ce mouve- pu réussir à Paris ce qu’il tente ment magique des élus. Demain, ici dans un endroit secret : un c’est déjà 2050. Il y aura 50 mil- entrepôt où vous êtes acheminé lions d’habitants. La ville devrait depuis le centre-ville. Ici, en être la première place financière trois heures de temps, tous les au monde. Les ascenseurs vont codes du genre sont bousculés, même plus vite que la musique. Ce éventrés. C’est la cuisine en sont les plus rapides du globe. La 3D, incluant odeurs, fumées, et Shanghai Tower et ses 118 étages surtout musiques. Comme si se laissent gober en cinquante- en tapotant sur votre œuf à la cinq secondes ! À la station coque, s’enclenchait le «Good Longyang Road, le train Maglev n’a pas besoin d’élan. Il lévite. vibrations» des Beach Boys. C’est tout comme : mémorable. Magnétiquement et peut filer jusqu’à 500 km/h (302 km/h, en Maintenant, il va falloir faire un pas de côté. Prendre n’importe fait) pour rejoindre l’aéroport de Pudong. quel bus par exemple. Aller à son terminal. La vie reprend un rythme normal. Même si les pneus crissent dans les virages, Euphorie en partage l’asphalte est plus clément. La ville se dépose sur l’iris de vos Ne pensez pas pour autant que la ville court sans réfléchir. yeux. Elle laisse même entrevoir les états d’âme qu’elle s’applique Si Shanghai est forte, ce n’est pas seulement par son énergie. chaque jour à cacher sous ses fards. Elle vous a alors tout dit. Mais par son ouverture. Celle-là même des ports et leur religion Mais l’avons-nous comprise ? L’un des nombreux édifices érigés sur Sur le rond-point de Mingzhu, Zhongshan Road dans les années 1990-2000. au cœur de Financial District. One of the many buildings erected on On the Mingzhu traffic circle Zhongshan Road in the 1990s and 2000s. in the heart of the Financial District. 150