Correspondances comme un roman Wilfried N’Sondé et l’artiste berlinois Michael Maria Kammertöns. Wilfried N’Sondé and Berlin artist Michael Maria Kammertöns. Des lendemains qui dansent La chaleur continentale tape sur Berlin et la soif se fait sentir.pendant vingt ans le plus grand squat d’Europe, est un gros Je vois au coup d’œil qu’ils échangent qu’il reste par ici quelquesdinosaure ocre et tagué posé dans un impeccable voisinage. repaires qui leur sont familiers, et nous voilà partis à quelquesDerrière sa porte monumentale, dans la cour qui fut le terrain rues de là pour l’Auguststrasse. de jeux des artistes, des grues font monter de l’immobilier L’association qui gère le Clärchens Ballhaus a su négocier les de luxe. tournants des temps modernes, et si la vieille salle de bal attire«J’étais simplement venu voir le Mur tomber, conclut Wilfried, les touristes, elle reste solidement ancrée dans la vie locale. parce que c’était l’événement du siècle. Mais en arrivant à « Là aussi, c’était un squat, me dit Wilfried. Ils faisaient café le mardi, avec une planche… Des lieux comme le Ziegenhof, –Deux tréteaux et trois caisses de bière, je sais. –Ah, ça y est, rigole-t-il, tu as saisi le principe.»«la cour aux chèvres», une cour- Devant, ce sont les mêmes tables qu’au café Kastanie, mais à l’intérieur, c’est l’empire austro-jardin partagée, des cabanes dans hongrois. En haut d’un escalier fatigué et tagué, on vient apprendre la valse ou le tango sous des les arbres, un petit marché bio… lustres antiques, reflétés par des miroirs anciens –«messieurs-dames, une deux trois». Et en bas, la grande salle de bal a un air étrangement familier. L’orchestre sur la scène évoque une image de province, mais Kreuzberg, devant ces gens si différents et si libres, j’ai compris les serveurs… En long tablier blanc, les plateaux valsant que je n’étais qu’un petit gars qui n’avait jamais rien vu, sur leurs têtes, je les reconnais soudain : ils servaient déjà leset le monde s’est ouvert devant moi.» Nos villes changent, sans héros de Berlin Alexanderplatz de Döblin, par les beaux doute. Mais dans Berlin, qui n’a rien perdu de son énergie dimanches des années 1920. et de sa turbulence, où plane toujours une sensation d’espace, Dehors sous l’énorme tilleul, la troupe s’éponge le front en de liberté et d’anticonformisme, le monde continue de s’ouvrir sirotant ses boissons. Au bout de la rue, le Tacheles, qui fut chaque jour à de nouveaux horizons. 134