Et si elle ne se refuse pas au tourisme, elle barbes vifs qui narguent, à la frontière du c’est Mogador, en Afrique». Y a-t-il d’ail- ne lui sacrifie ni sa légendaire tranquillité sable et de l’eau, les chameaux noncha- leurs un autre lieu, et aussi beau, où la foi ni son singulier art de vivre. Car le Souiri lants. Nager ensuite à la hauteur des du poète catholique puisse rejoindre, dans est souriant. Vous ne le verrez jamais, minarets, dans la piscine creusée au som- une même transe, sous un même ciel, le même dans la médina, importuner le cha- met de l’Heure Bleue, ce palais de rêve vaudouisme de la confrérie des Gnaoua ? land. Il propose, le promeneur dispose. bâti au XVIII siècle sur un ancien fon-e Non. Il n’y a qu’Essaouira. Et il n’oublie pas de mettre, sur le rebord douk, où le temps du bonheur s’est arrêté. de sa fenêtre, à l’intention des cormorans Descendre au rez-de-chaussée pour sacri- et des martinets pâles, quelques morceaux fier, dans une pièce marbrée d’un exquis de pain sec. Parce que sa ville, située à gris souris, gris Souiri, au rituel purifica- mi-chemin de Marrakech, ce Puy du Fou teur du hammam oriental avant d’aller chérifien, et d’Agadir, La Grande-Motte déguster, pour le dîner, une daurade aux de l’Atlas, s’offre sans se vendre. On y a agrumes ou un bœuf aux abricots et aux A castle in the sky Bewitched by one of l’élégance naturelle, le fatalisme enjoué, la noix dans un salon intime, une niche Africa’s most beautiful fortified cities, douceur atavique et on croit aux lende- blanche, de la labyrinthique Villa Maroc. Jérôme Garcin revels in the sweet life of mains qui chantent. Son dicton populaire : Le lendemain, arpenter la région piquetée Essaouira year after year, as other writers, «Agadir, rien à dire ; Essaouira, ça ira». d’arganiers et se promener dans les oasis like Paul Claudel, have done before him. verdoyantes. Ne pas oublier de faire C’est pour ce «ça ira» que, presque chaque halte dans l’une des coopératives tenues That night it was as if different kinds of année, j’y fais une cure de dilettantisme, exclusivement par des femmes qui, sous music from all over the world were echo- d’hédonisme et d’optimisme. Peu importe vos yeux, dépulpent les fruits, concassent ing each other, improvising to create an la saison. L’hiver y est tiède, avec des les noix avec des pierres de granit et original, universal symphony, drowning ciels bleu Magritte. Le printemps y a des malaxent la pâte d’amandons. Y faire out the gulls’ cries—or protests perhaps. chaleurs lascives. On déconseille l’été, le plein, pour l’année, d’huile d’argan trop touristique. Revenir à Essaouira, – l’alimentaire, la cosmétique, voire la In a huge marquee erected at Bab où Orson Welles tourna son Othello et médicinale. Déjeuner enfin de pastillas, de el-Minzeh for the Printemps Musical Ridley Scott reconstitua une Jérusalem poulets Beldi, de chevreaux d’arganiers des Alizés, the Moroccan Philharmonic médiévale, où Jimi Hendrix fit de la sous une jolie tonnelle, au Val d’Argan, Orchestra was performing a Mendels- musique et Julian Beck, du théâtre, c’est domaine viticole qui produit des rouges, sohn violin concerto, and on that d’abord y avoir ses habitudes. Marcher des blancs, des rosés dits de Mogador, warm evening the Franco-Romanian sans se presser jusqu’au port, qui fut mais tous issus des cépages de la vallée du violinist Deborah Nemtanu seemed to be phénicien, grec, romain, portugais, passer Rhône. Somme toute, une extension, dans accompanying the long chant of the sous la porte de la Marine et être soudain le sud marocain, du vignoble rhodanien. muezzin calling the faithful to prayer saisi par ce puissant parfum de poisson from the far-off Bab Marrakech minaret. frais et de gazole chaud, observer l’inces- Vivre à Essaouira, à Es-Saouirah (la Bien- From the opposite side of the Moulay sant ballet de barques bleues et de bateaux Dessinée en berbère), c’est y apprendre Hassan square came the sounds of stan- de pêche construits en eucalyptus et char- la légèreté. Rien ne pèse. Ni le devoir de dards by Bowie and Sting, performed gés de sardines, de murènes, de daurades modernité ni la pression touristique. Pas by a young, cosmopolitan band on the au-dessus desquelles tournent, avec des de béton, pas de disgrâce, pas d’air pollué, elegant white terrace of the Taros bar, cris d’orfraie, des goélands ventripotents. pas de défiguration du front de mer, et pas overlooking the sea. Déjeuner chez Jeannot, au Chalet de la trace de guide touristique à casquette. On Plage, d’une soupe de poisson, d’oursins n’y sent même pas, derrière les façades Oxymorons are what’s best to describe encore humides et de tranches de mostelle. blanches et rosées que souligne le bleu astonishing Essaouira. Formerly known Revenir en traversant la médina, qui a azuréen des fenêtres et des portes, le poids as Mogador, the Moroccan city is la forme d’un damier, y retrouver aussitôt d’une histoire exceptionnelle. Celle d’une surrounded by Vauban-style walls, built le maroquinier et le tailleur chez lesquels, ville inscrite au patrimoine mondial de in 1765 on orders of the Alawite sultan l’an passé, on a acheté – sans marchan- l’Unesco qui s’appela d’abord Amagdul, Sidi Mohamed Ben Abdellah. Located der – d’indémodables sacs et vestes en cuir, qu’on surnomma le Port de Tombouctou on the Atlantic coast, it has a Mediter- faire ensuite une halte au marché aux et qui fut, au XVIII siècle, sous le nome ranean feel that veers between Andalu- épices, présentées en pyramides colorées, de Mogador (la Remparée) le premier sian and Saharan, alternating hot and autour desquelles sont disposés des raviers port commercial du Maroc ainsi que sa cold. People fish for sardines while d’herbes pour maigrir ou grossir, ainsi que capitale diplomatique et en a gardé une cultivating argan trees, are equally adept de mystérieuses racines aphrodisiaques. disposition naturelle, intellectuelle, au at kitesurfing as traditional marquetry Ajouter à sa collection d’œuvres exclu- multiculturalisme. C’est sur ses remparts in thuja and lemonwood. Mosques, sives, chez un artiste de rue qui travaille séculaires et face à l’océan que, dans la churches and synagogues dot the land- les objets en fer et recycle les vieilleries, Deuxième journée du Soulier de Satin, scape, testifying to its universal wisdom; une théière métamorphosée en oiseau au cette pièce symphonique, Doña Prouhèze, Gnawa music, Cat Stevens’ pop and long bec ou une cafetière devenue chat la femme «au cœur rempli de Dieu», Brahms’s sonatas are all celebrated; and multicolore. Marcher, avec, à sa droite, et Rodrigue, l’homme «venu pour élargir memories linger from when it was North les îles Purpuraires (elles doivent leur nom la Terre», s’étreignirent pour un bref Africa’s hippie capital in the 1970s. au pourpre, cet or rouge dont raffolait instant d’éternité. «Il n’y a qu’un certain Although Essaouira doesn’t spurn tour- la Rome antique, tiré d’un coquillage, château que je connais, écrit Paul ism, it sacrifices nothing of its legendary le murex), sur la longue plage de 6 km, Claudel, où il fait bon d’être enfermé, il tranquility or extraordinary art de vivre. ou bien y galoper à cheval, sur de petits faut plutôt mourir que de rendre les clefs, The locals are upbeat. You’ll never see 133 .htlaeh ruoy ot lufmrah si esuba lohoclA .noitaredom ni knirD .noitarédom ceva zemmosnoc ,étnas al ruop xueregnad tse loocla’d suba’L ©