Correspondances comme un roman Arganiers, village de Sidi Kaouki. Argan trees, village of Sidi Kaouki. On aurait dit, ce soir-là, que toutes les musiques du monde se répondaient et improvisaient ensemble, couvrant les gémissements des goélands, à moins que ce ne fussent leurs protestations, une symphonie œcuménique et inédite. Sous une tente immense tendue porte El Minzeh à l’occa- sion du Printemps musical des Alizés, l’Orchestre philarmo- nique du Maroc jouait un concerto pour violon de Mendelssohn et l’archet franco-roumain de Deborah Nemtanu semblait rythmer, dans la nuit tiède, la longue mélopée du muezzin appelant, depuis le lointain minaret de Bab Marrakech, les fidèles à la prière, tandis que, de l’autre côté de la place Moulay-Hassan, descendaient de la terrasse blanche du Taros, bar chic avec vue sur la mer, des stan- dards de Bowie et de Sting interprétés par un jeune groupe cosmopolite. C’est donc avec des oxymores qu’il faut raconter l’éton- nante Essaouira, ex-Mogador, cette cité marocaine jumelée avec La Rochelle qui prolonge la Vendée et la Bretagne (ceinte de remparts de style Vauban, elle fut bâtie, en 1765, à la demande du sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah par Nicolas Théodore Cornut, disciple de l’architecte militaire). Elle prend des airs méditerranéens au bord de l’Atlantique, offre selon son humeur un visage andalou ou saharien, souffle avec ironie le chaud et le froid, pêche la sardine sans négliger de cultiver l’arganier, pratique autant le jeune kitesurf que la vieille marqueterie de thuya et de citronnier, répartit en son sein, avec une sagesse universelle, mosquées, églises et synagogues, célèbre en même temps la musique gnaoua, la pop de Cat Stevens, les sonates de Brahms, et se rappelle avoir été la capitale maghrébine du mouvement hippie dans les années 1970. Galop matinal le long des 6 km de la plage d’Essaouira. Morning gallop along the 6 km of beach at Essaouira. 130