LE MONDE DE L’ART I OBJET DU MOIS Un gobelet polychrome Renaissance Ce gobelet sur pied, à décor doré et émaillé, est emblématique des verreries produites à la Renaissance, sur lesquelles l’exposition d’Écouen jette un nouvel éclairage. PAR SOPHIE REYSSAT Appartenant aux collections duLouvre, ce gobelet est l’une despièces maîtresses de l’exposition« Émailler le verre à latandis que le blanc était dû à un émailopacifié par de petits cristaux d’oxyded’étain associé à de l’oxyde de plomb.Si la forme du gobelet s’inscrit dans lade la technique du cristad’obtenir un verre très limpide et d’unegrande pureté (voir Gazette n° 45 du18 décembre 2020, page 166), et à lallo , qui permet Renaissance. Sur les traces des artistes continuité du Moyen Âge, son décor puise production de verre émaillé et doré, à verriers, entre Venise et France » d’Écouen. ses références au cœur de l’Antiquité. laquelle est attaché le nom des Barovier.» Il est en effet caractéristique des Françoise Barbe, conservatrice en chef au Les archives mentionnent les noms de productions vénitiennes, tant par sa forme département des Objets d’art du Louvre, décorateurs actifs à Murano, sans qu’il soit et son décor que par sa fabrication. précise que « les peintres émailleurs qui possible de leur attribuer des œuvres Avec sa coupe tronconique mise en valeur décorent ces objets, qui ne sont pas des précises, aucune verrerie ne portant de par un haut pied, il évoque un calice verriers, sont formés dans un centre et marque, date ou signature. Elles signalent gothique orfévré, objet religieux inspirant entourés par d’autres artistes peignant sur également une dizaine d’ateliers dans la une verrerie qui se veut tout aussi précieuse. bois ou à fresque. Ils ont donc le goût pour seconde moitié du XV siècle, et le doublee Celle-ci a été réalisée en trois temps, certains sujets à la mode, comme les à la fin du XVI siècle. Une croissance quie la coupe et le pied étant façonnés Métamorphoses d’Ovide, les Triomphes témoigne du succès de leur production – indépendamment du nœud central soufflé de Pétrarque, et les scènes à l’antique avec largement exportée –, et explique la dans un moule à côtes, l’ensemble étant des monstres marins, des putti chevauchant diffusion de leurs méthodes de fabrication ensuite assemblé à chaud. Une fois refroidie, des dauphins dans des paysages imaginaires, et la multiplication des ateliers européens la pièce passe entre les mains du peintre avec souvent de l’eau au premier plan ». produisant des verreries « à la façon de chargé de son ornementation d’or – un Réservés aux objets destinés à une clientèle Venise ». Objet parmi les plus prestigieux bandeau d’écailles – et d’émail apposé au aisée, les décors historiés restent rares sur de la Renaissance, le gobelet sur pied faisait pinceau. Le verrier achève la pièce, portée les gobelets, plus généralement incolores. partie de la vaisselle d’apparat, mais il avait à température de façonnage par la délicate Aurélie Gerbier, conservatrice du également sa place dans les studioli, aux recuisson, et travaillée devant le four pour patrimoine au musée national de la côtés des ouvrages aux reliures précieuses et fixer les émaux. L’analyse scientifique du Renaissance, rappelle que Venise produisait des objets d’art. Représentatif de la culture Centre de recherche et de restauration des déjà de petits gobelets émaillés de la fin du de son époque, on le retrouve dans la main musées de France (C2RMF, voir Gazette XIII siècle jusqu’au milieu du XIV siècle.e e de l’une des filles de Loth, dans un tableau n° 3 du 19 janvier 2018) a montré que le « Cette tradition disparaît cependant pendant d’Albrecht Altdorfer de 1537, conservé au bleu avait été obtenu à partir de cobalt, un siècle, et renaît grâce à la mise au point Kunsthistorisches Museum de Vienne. < 326 LA GAZETTE DROUOT N° 42 DU 26 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS