LE MONDE DE L’ART I PORTRAIT NEn 1971, Jacques De Vos se procure l’ou- mentaire est le libraire Jean Petithory, à qui il elle a croisé les routes de Jean Lambert- vrage tout juste édité d’Abraham-Marie achète vingt-cinq pièces en plâtre accompa- Rucki, un autre coup de cœur, d’Eileen Gray Hammacher,L’Évolutionde la sculpture gnées des droits de tirage. Il fait fondre les à nouveau, puis de Jean Dunand, Pierre moderne (éditions Cercle d’art) et découvre sculptures de Csaky chez Landowski, le petit Legrain, Jean Lurçat, Jean-Michel Frank, le principe de recherche des formes dans l’es- fils du sculpteur, qui démarrait lui aussi son Pierre Chareau ou encore André Sornay. Dif- pace, et le travail de Joseph Csaky. Quelques activité, et dès 1973, toujours avec Bob Valois, ficile de faire plus bel inventaire en matière semaines plus tard, une vente aux enchères à il lui consacre une première exposition et d’arts décoratifs. Le marchand veut vendre, Drouot lui permet d’acheter six des plâtres catalogue. «Je suis et ai toujours été dans le bien sûr, mais il aime savoir où l’œuvre part, du sculpteur, dont ceux d’Adam et Ève, de besoin de promouvoir le travail des artistes dans quel intérieur elle va vivre, «c’est pour La Lecture et de La Danseuse, accompagnés du XX siècle, c’est une passerelle entre cee ça que je préfère vendre aux particuliers». de leur autorisation de tirages en bronze. Le que j’ai acheté et pourquoi je l’ai acheté.» En 1978 à la salle des ventes installée gare maître cubiste meurt deux mois plus tard, il Depuis, la liste des parutions accompagnant d’Orsay, il remporte sept bas-reliefs de 1947 n’y aura pas de rencontre. L’exécuteur testa- ses expositions s’est régulièrement enrichie ; et 1948, d’une légèreté et d’un mouvement tels qu’ils situent ces œuvres de Csaky entre le dessin et la sculpture. Il les a toujours conser- vés, ainsi que bien d’autres témoignages. Lorsque l’idée de cette exposition a germé, il est retourné chez Landowski et a retrouvé les plâtres d’atelier déposés pour fabriquer les bronzes. Il a aussi fait réaliser des plâtres de fonderie – très clairement identifiés aux côtés des originaux – pour compléter et dresser un panorama le plus complet possible de l’œuvre du maître cubiste. Et cela fonctionne magnifi- quement : on déambule dans sa galerie comme dans l’univers intime de l’artiste. Une question de partage «C’est un survol de l’ensemble de la carrière de Csaky que je veux présenter, il est aujourd’hui encore trop peu connu.» Le gale- riste laisse toutefois aux historiens d’art le soin de disséquer son œuvre, et c’est bien son ressenti face à celui qui est arrivé à Paris en partie à pied, un jour d’août 1908, qu’il met en scène. Csaky s’installe alors à La Ruche et pour survivre se fait le modèle et le mouleur de certains sculpteurs. Sa Tête cubiste de 1914 – dont le marbre figure au Centre Pom- pidou – trône dans la galerie, magistrale conclusion d’une série d’autoportraits et l’un des très rares plâtres datés et signés. Cette même année, le Hongrois s’engage pour la France, son pays d’adoption. En 1919, lorsqu’il est de retour, «il commet des cônes et des sphères pour fabriquer ses person- nages, des femmes et des enfants surtout, comme un signe d’espoir». Léonce Rosen- berg, le défenseur des cubistes, le prend sous contrat pour trois ans, lui ouvrant les portes des grands collectionneurs, les Rothschild, les Noailles, Jacques Doucet… Csaky va pour- tant le quitter en 1923 et travailler pour diffé- rents décorateurs et marchands, toujours sans compromission, malgré les incessants pro- blèmes de trésorerie, et avec autant d'inté- grité et de sensibilité. L’exposition est conçue Joseph Csaky (1888-1971), Tête, dite aussi Tête cubiste ou Tête d’homme, plâtre original patiné, 1914. PHOTO CHRISTIAN BARAJA © JACQUES DE VOS 264 LA GAZETTE DROUOT N° 41 DU 19 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS