LE MONDE DE L’ART I PORTRAIT Jacques De Vos et Csaky, noces de sculpture Lorsque le parcours d’un passionné des arts croise celui d’un sculpteur cubiste, cela mène à un mariage pour le meilleur, qui cinquante ans plus tard est à nouveau célébré. PAR ANNE DORIDOU-HEIM Cela fait soixante ans que le sculp-teur Joseph Csaky est décédé ;Jacques De Vos, lui, aligne cin-quante-cinq années d’activité.d’un billet pour Paris et de deux passagesdans des émissions de télévision. L’aventureaurait pu s’arrêter là. Mais après avoir étéremarqué par le directeur de L’Écluse, il seUne bienveillance dont il se souvient encoreavec émotion. Il vend le service le lendemain,un guéridon de Perzel suivra, puis un vase deDaum trouvé chez Bob Vallois. Le voici lancé Et surtout, leur réunion artistique fête ses produit dans la plupart des cabarets de dans le métier… 50 ans. Autant d’anniversaires qui sont mis en Paname, si bien qu’en 1966 il est toujours à scène par le galeriste dans la joie et l’intimité.Paris. Durant cet intermède, il a aussi écrit sesLe hasard, quel hasard ? Spécialiste des arts décoratifs, ce dernier n’a premiers textes, sitôt envoyés à Michel Participant à des foires, il s’associe avec les plus rien à prouver, il veut juste se faire plaisirLegrand, qui lui propose de les enregistrer et Vallois au Dépôt 15, près des Halles, et décou- et le partager : il a donc décidé d’initier un de s’occuper de l’orchestration. Mais le vre le travail de Majorelle, de Ruhlmann et cycle de trois années d’expositions, en conclu- disque sera raté en raison d’un problème tech- d’une certaine Eileen Gray. Il ne sait d’ail- sion d’une belle et longue activité, et de l’inau-nique, et pendant dix-huit mois, notre chan- leurs pas de qui il s’agit quand il achète un gurer par un hommage au sculpteur. Près de teur devra le défendre alors qu’il ne l’aime ensemble de meubles reproduits dans L’Illus- cinquante plâtres sont ainsi réunis, offrant pas ! Entre-temps, il a aussi rencontré Janine, tration : il pense qu’on les doit au décorateur- une double occasion de revenir sur le par- la femme de sa vie – celle, alors, d’un saltim- ensemblier dont seul le nom est cité dans l’ar- cours original d’un jeune Belge arrivé à Paris banque. Un soir, au Drugstore Opéra, un ami ticle ! C’est Michel Périnet qui va le lui avec des textes de chansons, comme sur sa lui présente un courtier d’art, un métier tota- apprendre lorsque, passant en vélomoteur, il découverte d’un autre étranger, Hongrois lement inconnu du jeune homme issu d’une s’arrête, interpellé par la fameuse chaise celui-ci et l’un des maîtres de la sculpture du famille ne comptant ni collectionneurs, ni longue «Pirogue». Il l’achète, tout comme, en XX siècle.e amateurs. Toujours curieux, il l’interroge, 1973, le «Fauteuil aux dragons», qu’il cédera l’écoute raconter ses aventures et décide d’es- quelque temps plus tard à Pierre Bergé et Itinéraire sayer. Pourquoi pas ? Le premier achat prend Yves Saint Laurent. On connaît la suite… Le d’un jeune homme gâté la forme d’un service à thé de Charles Ahren- siège atteindra 21,9 M€ lors de la vente L’histoire n’est pas banale et n’en est que plus feldt en porcelaine de Limoges, dégoté chez mythique de février 2009. En juin 1975, belle, nous transportant au tout début des une brocanteuse du 20 arrondissement.e Jacques De Vos quitte Paris pour le Sud, années 1960. Jacques De Vos se lance alors Alors qu’il ne s’intéresse qu’à son prix, elle luiavant de revenir en 1980 pour s’installer – dans la chanson, sur des textes originaux. Il a raconte l’aventure du Bauhaus et, pour son déjà – rue Bonaparte, mais un peu plus haut 20 ans et gagne un prix d’interprétation lors baptême du feu dans le métier, accepte son qu’actuellement. Sa grande histoire est lan- d’un concours à Knokke-Le-Zoute, assorti offre tout à fait inférieure au prix demandé. cée, ayant pris un bien joli chemin de traverse. N 262 LA GAZETTE DROUOT N° 41 DU 19 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS