LE MONDE DE L’ART I PATRIMOINE La Daurade, joyau toulousain Édifiée sur les bords de la Garonne, la basilique a retrouvé sa superbe au terme d’une longue restauration. Une véritable renaissance, qui met en valeur la virtuosité de ses décors. PAR MYLÈNE SULTAN En ce soir d’octobre, les mélomanes cachait un mécanisme sophistiqué fait de pou- ver trace de la sublime église Sainte-Marie, sont venus nombreux assister au lies et de cabestans permettant d’installer une signalée dès le VI siècle par l’évêque Gré-e concert d’ouverture de « Tou- vaste plateforme sur la façade de l’église. goire de Tours (538 ou 539-594), historien de louse les Orgues », donné en la « Une des surprises du chantier ! s’exclame l’Église et des Francs, et dont la renommée basilique Notre-Dame la Daurade. Le festival Laurent Barrenechea, conservateur régional dépassait les murailles de la belle cité fondée fête son 25 anniversaire, et pour célébrere des Monuments historiques à la DRAC Occi- par l’empereur Auguste au I siècle de notreer l’événement tout autant que la restauration tanie. La mémoire de cette terrasse prévue ère. Plus petite que la Daurade d’aujourd’hui, de l’église, Yves Rechsteiner, le directeur pour accueillir des prêtres lors des bénédic- elle resplendissait de milliers de mosaïques musical, a prévu une programmation excep- tions publiques s’était presque perdue. » d’or qui, sur trois niveaux, dans des arcatures tionnelle. Les premières notes de la Messa di séparées les unes des autres par des colonnes Gloria de Puccini s’élèvent dans le vaste édi- Sainte-Marie la dorée de marbre, racontaient la vie de Marie, de fice tandis que le public découvre les effets de Durant cette restauration d’envergure qui a Jésus, des saints, des apôtres et des prophètes. lumière récemment installés pour « architec- duré vingt-six mois et a concerné tout l’édi- Un ensemble si impressionnant qu’il influença turer » le monument, apporter intimité et fice – peintures, sculptures, mobiliers et tex- l’appellation de l’église : à partir du IX siècle,e douceur à cette nef, « impressionnante tiles inclus –, il y eut d’autres découvertes. le sanctuaire est connu sous le nom de Sancta comme celle de Saint-Pierre de Rome », Comme cette Présentation au temple, déca- Maria Deaurata, Sainte-Marie la Dorée, qui selon l’architecte du patrimoine Axel Letel- drée, déchirée, cachée sous des couches de deviendra bientôt Daurada en occitan, puis lier. Pénétrés du lyrisme de l’œuvre, bien peu poussière et de crasse dans une dépendance Daurade, en français. Las, à l’exception d’un se doutent que sous l’orgue romantique livré de la basilique, et que Marie-Dominique fragment de mosaïque à fond d’or, conservé en 1861, une trappe en entresol a été mise au Labails, conservatrice du patrimoine à la ville au musée Calvet d’Avignon, et de beaux ves- jour pendant les travaux de restauration, qui de Toulouse, a identifié comme étant du tiges lapidaires dispersés de Nice à New York, peintre Jean Suau (1755-1841). Et quelques il ne reste rien de la merveilleuse église médié- à lire déconvenues aussi, par exemple lorsqu’un vale. « En 1761, les bénédictins ont dû se universitaire a pressenti la présence d’un dis- résoudre à la détruire, explique Laurent Bar- Philippe Hugon, Notre-Dame la Daurade - positif de montement, utilisé au Moyen Âge renechea, l’édifice était devenu fragile et dan- Lumières retrouvées, photographies pour hisser la Vierge au moment de l’As- gereux. » de Jacques Sierpinski, édition du service somption. À tort, hélas. La refondation ne se fera pas sans péripéties : d’animation de l’architecture et du patrimoine, À vrai dire, l’espoir secret des archéologues une démolition qui s’éternise sur quatre ans mairie de Toulouse, 2021, 25 €. présents sur le chantier aurait été de retrou- au grand dam des fidèles, l’élaboration d’une N 274 LA GAZETTE DROUOT N° 41 DU 19 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS