LE MONDE DE L’ART I EXPOSITIONS Bonnard, entre ombre et lumière Pour la première fois et pour sa réouverture, le musée de Grenoble célèbre les couleurs de l’enfant du pays, à travers ses lieux de prédilection mais aussi des scènes intimes, éclairant la part plus sombre de l’artiste. ÀGrenoble, Pierre Bonnard sembleeffectuer un retour aux sources.Le parcours imaginé par GuyTosatto et Sophie Bernard, res-deux salles présentent trente dessins que lepeintre appréhende comme des « sensa-tions », ainsi que vingt épreuves photogra-phiques révélant son appétence pour l’instan-position aux cartels touffus balaie le cliché del’artiste « peintre du bonheur ». « Celui quichante n’est pas toujours heureux », disait-il. Certains de ses nus, comme celui de pectivement directeur et conservatrice en tané et l’intime. L’exposition s’achève par LaFemme assoupie dans unlit ou L’Indo- chef du musée, ainsi qu’Isabelle Cahn, conser- une mise en regard contemporaine avec les lente , où sa femme et muse Marthe baigne vatrice générale des peintures au musée d’Or- photographies de Bernard Plossu, réalisées dans un clair-obscur ambigu, jettent le trou- say, débute en effet par de grandes scènes au Cannet, dans la maison du peintre. ble. Plus loin, l’autoportrait Le Boxeur, sym- décoratives illustrant son attachement au Dans une scénographie aérée, le visiteur est bolique de son combat éternel avec la pein- Grand-Lemps, en Isère, où le peintre possé- donc transporté à la maison du « Clos », au ture, ou encore Autoportrait dans la glace du dait une maison de famille. « Dès 1920, une Grand-Lemps, où Le Grand Jardin est luxu- cabinet de toilette, considéré comme l’une de œuvre de Pierre Bonnard entre dans les col- riant et les enfants heureux, jouant comme ses dernières images, offrent une vision quasi lections du musée, avec le dépôt de l’État sol- dans L’Après-midi bourgeoise avec les ani- tragique de lui-même. De plus en plus sec, licité par le directeur d’alors Andry-Farcy, maux dont le peintre se fait, tout au long de son corps sans joliesse rappelle ceux d’Egon confie Guy Tosatto. En 1933, deux autres l’exposition, un des plus grands serviteurs. La Schiele et son visage presque déformé arbore toiles seront acquises. Le peintre y sera même Ville lumière lui offre ses plus belles scènes un regard sombre. N’ayant jamais cédé aux surpris à retoucher ses tableaux ! » En parte- urbaines, entre secrets de loge de théâtre et sirènes des avant-gardes et ayant assimilé les nariat avec le musée d’Orsay, soixante-quinze Place de Clichy grouillante, aux cadrages nabis, le japonisme, l’impressionnisme, les peintures réparties en six chapitres révèlent audacieux, tandis que la Normandie fluviale couleurs fauves, voire expressionnistes, Pierre sa conception de la lumière au travers des se métamorphose en Symphonie pastorale, Bonnard est un acteur de la synthèse, entre paysages et des personnages qu’il fréquentera aux couleurs chaudes et froides. Sous son pin- modernité et héritage historique, que son tout au long de sa vie. Entre ces sections, ceau, la Côte d’Azur se pare d’accents chro- approche unique de la couleur et de la matiques flamboyants, aux harmonies d’ors, lumière traduit. de rouges et de mauves inimitables. VIRGINIE CHUIMER-LAYEN De même, les scènes d’intérieur et de nu évo- Pierre Bonnard (1867-1947), quent sa manière ambivalente, parfois grave, Musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, Paysage normand, 1920, huile sur toile (détail),de représenter les corps. Car au-delà de la Grenoble (38), tél. : 04 76 63 44 44, musée Unterlinden, Colmar. présentation de toiles-odes à la nature arca- www.museedegrenoble.fr © CHRISTIAN KEMPF dienne, à la palette verdoyante ou de feu, l’ex-Jusqu’au 30 janvier 2022. LA GAZETTE DROUOT N° 41 DU 19 NOVEMBRE 2021 267 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS