LE MONDE DE L’ART I LIVRES De Notre-Dame à la Provence, du XVIIe au XX siècle,e hommages à la peinture Thellusson Ce patronyme est inévitablement associé aula comtesse de Sorcy-ThélussPortrait de onLes Mays par David (musée du Louvre). L’ouvrage fort utile de Notre-Dame de Bertrand du Vignaud, richement illustré et présenté comme une succession de biographies, rappelle cependant que cette famille de On a tremblé pour les Mays de Notre-Dame le 15 avril 2019, lorsque le banquiers genevois fut pendant deux siècles commanditaire non seulement de portraits par ciel de Paris fut envahi par des nuages de fumée. Mais on ne connaissait les plus grands artistes, dont Liotard ou Houdon, que des bribes de leur histoire. Ce « parfait ouvrage » (Pierre Rosenberg) mais aussi d’ambitieux projets architecturaux en vient réparer ce tort. De 1630 à 1707, à deux exceptions près, un May fut Suisse, en Angleterre et en France. offert chaque 1 mai à la cathédrale par la confrérie Sainte-Anne-Saint-er Bertrand du Vignaud, Les Thellusson. Marcel des orfèvres parisiens, en signe de dévotion à la Vierge. Soixante- Une dynastie de grands amateurs d’art, In Fine - Éditions d’art, français-anglais, 208 p., 35 €. treize tableaux de grandes dimensions donc, dont cinquante-deux sont aujourd’hui connus et dispersés dans les musées français, un château anglais et les églises de Versailles,yo, Peindre la Provence en-Lay, Larchant, Mirande ou encore Givors. La découverte en mars der- L’ouvrage est agréable, certains peintres sont nier de L’Adoration des Mages de Joseph Vien (1698) a fait grand bruit. inconnus, certaines vues méconnues, mais ce Si, à la veille de la Révolution, soixante et un Mays se trouvaient encore à luxueux répertoire topographique et historique des Notre-Dame, leur histoire fut mouvementée. Ceux de Sébastien Bour- sites provençaux est plus qu’une plaisante invitationdon, Eustache Le Sueur et Charles Le Brun, aujourd’hui au Louvre, au voyage. Les experts et les conservateurs le furent plus choyés que ceux d’artistes moins insignes. consulteront pour identifier des sites, les chercheursLe livre de Delphine Bastet permet de suivre le fil de leur histoire grâce à pour réfléchir aux raisons qui ont fait la célébrité de la Provence et dépasser peut-être les lieux communs un essai de deux cents pages aussi précis que passionnant, qui modifie sur la terre d’accueil ou la lumière méditerranéenne.d’ailleurs sensiblement la perception de l’iconographie de la peinture reli- Unbémol : les XIX et XXeesiècles dominent gieuse. La partie aussi imposante dédiée au catalogue, où l’autrice inven- nettement, au détriment des siècles antérieurs. torie toutes les œuvres en rapport avec chacun des Mays, est un remarqua- Philippe Cros, La Provence des peintres, ble fil conducteur de la peinture et de la gravure françaises de 1630 à 1707. Éd. Citadelles & Mazenod, 240 p., 190 ill., 49 €. En cela, cet « Arthena » est aussi indispensable que le catalogue de l’ex- position consacrée aux morceaux de réception Les Peintres du roi (2000), et devrait permettre à l’avenir d’identifier, lorsqu’ils réapparaîtront, les Morozov Mays perdus de Pierre-Antoine Lemoyne, Jean-Baptiste de Cani, René Dudot, Zacharie Heince, etc. La biographe de Chtchoukine retrace l’histoire Dans son avant-propos, Pierre Rosenberg milite pour leur réunion à des deux frères russes, dont une partie des l’Hôtel-Dieu, au sein d’un musée qui raconterait l’histoire de la cathédrale collections est actuellement exposée à la parisienne : « Notre-Dame sauvée, sauvons les Mays… Battons-nous pour fondation Louis Vuitton. Une aventure hors du la création d’un grand musée de l’Œuvre Notre-Dame, un musée d’his- commun pour ces deux entrepreneurs, dont toire, un musée d’histoire de l’art comme il en existe d’admirables en Italie, l’audace continue de fasciner les collectionneurs en Allemagne, en Espagne. » Si ce projet voyait le jour, il offrirait d’aujourd’hui, qui auront constitué le noyau des un grands musées russes en matière d’art moderne. formidable pendant au futur musée du Grand Siècle. Carole Blumenfeld Un bon prolongement à l’exposition. Natalia Semenova, Les Frères Morozov, collectionneurs et mécènes, Actes Sud, Delphine Bastet, Les Mays de Notre-Dame de Paris 1630-1707, Arthena, 320 p., 22,80 €. 456 p., 597 ill., 125 €. 280 LA GAZETTE DROUOT N° 41 DU 19 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS