LE MONDE DE L’ART I RENCONTRE Amin Jaffer, gardien de la collection Al Thani La fabuleuse collection du cheikh Hamad ben Abdullah Al Thani déploie ses chefs-d’œuvre entre les murs de l’hôtel de la Marine. Son conservateur en chef revient sur les origines de celle-ci et explique les raisons de son installation à Paris. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNICK COLONNA-CÉSARI Quel genre de collectionneur est souvenirs de palais et de châteaux, ses À quelle occasion vous êtes-vous le cheikh Hamad ? domaines de prédilection résidaient dans les rencontrés et quel est votre rôle ? C’est un passionné, curieux de toutes les cul- émaux, les porcelaines, l’orfèvrerie et le mobi-En 2007, j’occupais depuis peu la fonction de tures et époques, très attentif à toutes les lier. Puis il s’est ouvert aux grandes civilisa-directeur international du département des formes de raffinement. Il a découvert l’art dès tions, dans un esprit universaliste, en sortant arts d’Asie chez Christie’s à Londres, après son plus jeune âge lors de voyages en Europe, des territoires classiques de la Grèce, l’Égypteavoir été conservateur au Victoria and Albert accompagné de ses parents. À 6 ans, il visitait ou Rome pour explorer les richesses de la Museum pendant douze ans. Cheikh Hamad pour la première fois le musée du Louvre Mésoamérique, de l’Afrique ou du Japon. m’a contacté parce qu’il avait lu l’un de mes avec sa mère, et son goût n’a ensuite cessé de Sa collection rassemble actuellement entre ouvrages, Made for Maharajas (Antique Col- s’affirmer. Il a fait sa première acquisition à cinq mille et six mille pièces. S’échelonnant lectors Club, 2006, ndlr) publié peu de temps l’âge de 18 ans avec une paire de rafraîchis- de l’Antiquité à nos jours, elle se caractérise avant. Son attention avait notamment été soirs en argent, signée de l’orfèvre britan- par son éclectisme, étant composée aussi bien retenue par la couverture, sur laquelle était nique Paul Storr. Il en a 40 aujourd’hui. Entre d’œuvres de la Renaissance que de bijoux reproduite une toile de Bernard Boutet de les deux, ses centres d’intérêt ont naturelle- indiens, de sculptures africaines ou d’argente- Monvel à l’effigie du maharadjah d’Indore, ment évolué. À ses débuts, marqués par ses rie de l’époque achéménide. Cheikh Hamad tout de blanc vêtu, portant turban et bijoux. est particulièrement sensible aux savoir-faire Or, il conservait dans son palais de Doha une et aux matériaux. Il apprécie les métaux fins œuvre de la même série. Il a souhaité qu’on à lire comme l’argent ou l’or, les pierres précieusesou dures telles que l’agate, le jaspe ou la cor-se rencontre à ce propos, et nous avons lié connaissance. Nos relations se sont ensuite Trésors de la collection Al Thani à l’hôtel naline. En résumé, cet ensemble est vraiment développées par le fait que nous partagions de la Marine, éditions du Patrimoine, très personnel. S’il demande parfois conseil à de nombreux centres d’intérêt. Quand il 392 pages, 300 illustrations, 65 €. des experts, personne ne lui a jamais dicté ses venait à Londres, nous allions visiter ensem- choix. Toutefois, l’esprit de ses achats a ble des expositions ou des collections privées. Chefs-d’œuvre de la collection Al Thani, changé. Initialement, ils étaient destinés à J’étais également impressionné, lorsqu’il m’in- éditions du Patrimoine, décorer ses résidences. À partir des années vitait chez lui, de voir dans son salon des cata- collection «Regards», 2010, il a pris conscience qu’ils pouvaient inté-logues empilés dont il marquait les pages de 68 pages, 90 illustrations, 12 €. resser le public : ses acquisitions, qui avaientPost-it : car il cherchait toujours à enrichir ses toujours été de haute qualité, ont alors pris connaissances, me posait de multiples ques- une dimension de plus en plus muséale. tions. J’ai commencé à travailler avec lui de N 302 LA GAZETTE DROUOT N° 42 DU 26 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS