LE MONDE DE L’ART I EXPOSITIONS diversité, technique, historique et esthétique. Paris De l’idée naît un croquis, parfois saisi sur levif, avant que la composition ne soit campée dans l’espace et mise en couleur pour évo- quer les matériaux et les gemmes qui seront ÉCOLE DES ARTS JOAILLIERS choisis. Il s’agit de l’étape essentielle de la Le bijou dessiné mise au net, à l’échelle 1. La réflexion n’est pas encore figée : elle le sera avec le dessin Quelques grammes de finesse et de précio- fini, gouaché, définissant le bijou tel qu’il sité seulement mais, en germe, le bijou tel sera exécuté à l’aide d’un jeu d’ombres qu’il devra être réalisé : voici ce qu’est le des- accentuant sa volumétrie. sin joaillier. Tout à la fois inconnu et témoin, Feuille légère en phase avec son temps – on il sort de l’ombre grâce à cette exposition apprend encore que la révolution industrielle mise en scène dans un décor évoquant les lui a fait présent de la transparence du papier vitrines d’une maison de la place Vendôme calque –, le dessin du bijou est trop souvent et, comme à chaque édition, avec le soutien anonyme et l’autre ambition ici est de retrou- de la maison Van Cleef & Arpels. Il était ver le nom derrière les crayons. Alors, si temps de l’extirper des cartons qui protègent René Lalique y est comme souvent en sa fragilité et de montrer combien il est un vedette, il est entouré de gens talentueux tels support fondateur de la création, car présent que Léon Hatot, Alexandre Brédillard ou tout au long du cheminement de la pensée. Fernand Paillet, autant de dessinateurs qui Le processus est ici expliqué dans toute sa méritent de sortir du silence de l’atelier. Un ouvrage aux éditions Norma permet de pour- suivre le voyage dans la connaissance de ces documents qui, s’ils doivent toujours être regardés comme des outils essentiels, ont Berthe Morisot (1841-1895), gagné leur place d’œuvres d’art à part entière. Julie rêveuse, 1894, huile sur toile, 65 x 54 cm, ANNE DORIDOU-HEIM collection particulière. © CHRISTIAN BARAJA SLB École des Arts joailliers, 31, rue Danielle- Casanova, Paris I , tél. : 01 70 70 38 40,er choyée dans un milieu artistique et littéraire www.lecolevancleefarpels.com exceptionnel, l’indépendance acquise après la Jusqu’au 14 février 2022. disparition de sa mère alors qu’elle n’a que 17 ans, son union avec Rouart qui collec- tionne, son action pour promouvoir l’œuvre MUSÉE MARMOTTAN MONET de sa mère) s’imposent d’eux-mêmes. Mais Julie Manet. l’appareil critique et la sélection des œuvres La mémoire impressionniste auraient sans doute pu être différents. Ainsi le Magnificat Anima Mea Diminum de Mau- Julie Manet méritait-elle une exposition en rice Denis, « une œuvre bien connue de Julie » 2021 ? Son journal ou le catalogue prouvent mais qui ne lui appartenait pas, est-elle pré- que le sujet est passionnant, le résultat beau- sentée car « on peut y voir des sens multi- coup moins. Deux ans après la rétrospective ples » : « la promesse de la maternité de Julie consacrée par le musée d’Orsay à sa mère, qui d’orpheline devient mère de famille », ou Berthe Morisot, qui est au cœur de l’exposi- le fait que Julie soit, contrairement à sa mère, tion, et surtout après toutes celles dédiées ces une fervente croyante, et dont l’une des pre- dernières années aux collections Rouart – mières décisions, une fois indépendante, fut Julie Manet avait épousé Ernest-Henri de se mettre en règle avec l’Église. Somme Rouart –, le visiteur n’est pas tout à fait en toute, il est difficile de saisir la personnalité de terrain inconnu. Il a même une impression Julie Manet, qui n’est ni muse, ni prescrip- de déjà-vu. Certes, on découvre aussi beau- trice. L’exposition permet de revoir des coup d’œuvres de Julie Manet elle-même, œuvres d’exception, mais avoir Degas, Mal- mais aucune n’aurait mérité d’être exposée si larmé ou Renoir comme amis de la famille ne leur auteur n’avait pas porté un tel patro- fait pas de vous une héroïne pour autant. La nyme, et surtout pas son catéchisme illustré première section seule, « L’enfant modèle », pour ses enfants. Certaines œuvres des collec- aurait peut-être suffi. tions Rouart, prêtées pour l’occasion et géné- CAROLE BLUMENFELD reusement attribuées – le dessin donné à Léon Hatot (1883-1953), Dessin d’une broche Alexandre-Évariste Fragonard par exem- Musée Marmottan Monet, 2, rue Louis-Boilly, paon, vers 1920, crayon et gouache sur papier ple –, non plus. Paris XVI , tél. : 01 44 96 50 33,e cartonné, 27,4 x 17,3 cm, Fonds Van Cleef Le fil conducteur, chronologique, et les www.marmottan.fr & Arpels sur la culture joaillière. grands thèmes mis en exergue (l’enfance Jusqu’au 20 mars 2022. 320 LA GAZETTE DROUOT N° 42 DU 26 NOVEMBRE 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS