Il y a quelque chose dans les dessins d’André Juillard qui frappe l’œil du confrère et de l’ami que je suis, en dehors de la notion de classicisme qui revient le plus souvent à son sujet. En plus de sa maîtrise du dessin, de l’exigence technique et de la perfection formelle, qui pouraiet définir André Juillard comme l’Ingres de la bande dessinée, il y a autre chose. Au-delà de son aspect académique, le dessin d’André nous renseigne sur la personnalité de son auteur, mieux que ne le ferait une mise à nu. André n’est pas un bavard, mais ses dessins parlent pour lui. Des centaines, des milliers de dessins, une production colossale, une force de travail unique. Et toujours avec une forme de sobriété, d’élégance. La sérénité aussi. Son trait ne s’emballe jamais. La maîtrise sans doute. Mais on se tromperait si on ne voyait dans cette maîtrise que l’expression d’une démonstration technique. Par son dessin, André nous dit bien davantage. André a un regard. Un regard sur le monde, un regard sur les choses. André a dans l’œil cette vivacité, cette acuité. L’œil qui voit tout. Le sens de l’exactitude bien sûr, mais aussi un certain sens de l’organisation des choses. Le monde qu’il met en images est souvent chaotique, il décrit les soubresauts de l’Histoire, mais toujours avec un air de tranquillité et une forme de stabilité. Ses portraits, ses personnages, ses paysages, tout chez André est équilibre. Sa manière de camper les choses tient aussi à la verticalité qui opère le plus souvent dans la composition de ses planches de bande dessinée. Dans un sens, c’est cette verticalité qui pourrait le caractériser. Mais en réalité, la sagesse de son trait cache une quête permanente de la vie. Car au-delà du trait pudique et délicat qui caractérise son style, il y a une énergie qui saute aux yeux surtout dans ses crayonnés, dessins préparatoires, esquisses, notamment dans les scènes de cape et d’épée, ou encore et surtout dans les scènes plus intimes. C’est là qu’André excelle : la mise à nu, le mystère des corps et une forme d’érotisme qui sème le trouble et révèle une sensualité contenue. Jacques Ferrandez