8 L’Âge de raison L’Âge de raison est né dans mon carnet de croquis, sous forme d’une série de petites histoires improvisées mettant en scène des hommes des cavernes, que j’avais crobardées pour m’amuser au tout début des années 2000. Après l’énorme investissement qu’avait été le premier Marquis d’Anaon, interrompu sans arrêt par des travaux de commande pas toujours très amusants, ces petites histoires me permettaient de me détendre et de relâcher un peu la vapeur et les tensions. C’était jubilatoire, libérateur. Je les dessinais d’un jet, sans trop me poser de questions. Au bout d’un moment, quelques-unes mises bout à bout commençaient à former une cohérence et j’ai voulu aller plus loin et en faire un album. Mais je voulais absolument garder ce côté impulsif et ludique. Imaginez ma surprise lorsque j’ai reçu le prix du meilleur premier album au festival d’Angoulême en 2003 ! Ce prix a été un sésame,la reconnaissance qu’une bande dessinée faite à ma façon, dont j’étais à la fois l’auteur et le dessinateur, pouvait plaire à la profession. En relisant ces pages avec un peu de recul, je me suis aperçu qu’elles étaient moins anodines que je ne le pensais. Sous le propos léger, l’année que je venais de passer, les humeurs, les doutes, les états d’âme, tout ce dans quoi j’avais baigné à l’époque était là, à mon insu ! J’ai compris alors qu’il fallait savoir suivre ses envies et faire confiance à son instinct. C’est dans cet état d’esprit que je me suis lancé dans mon premier grand projet en solo, Esteban. Esteban C’est l’histoire d’un gamin indien en Patagonie au tout début du XX siècle.e Sa famille est massacrée par les hommes de main des grands propriétaires terriens en Argentine et au Chili, et il trouve refuge sur un baleinier. Pour ma première BD en solo je suis allé vers ce qui n’a jamais cessé de m’atti- rer, l’aventure historique. J’aime les grands espaces, les vastes horizons, le vent dans les cheveux, la nature inviolée, sauvage. Avec cette histoire qui se déroule au bout du monde dans le grand Sud, au milieu des glaces et des tempêtes, dans une des mers les plus dangereuses du globe, j’étais dans mon élément. J’ai dessiné cinq albums, la série est suspendue depuis quelques années parce que je suis sur d’autres projets, mais j’ai toujours envie de la reprendre,de retrouver cet univers rude et grandiose et des personnages qui me sont chers et que je ne peux, ni ne veux, abandonner. S’engager dans une série, c’est aussi gérer des carrières, installer des mécanismes, penser au lendemain : il y a un petit côté « direction des res- sources humaines » (rires) et en même temps il faut quand même garder une certaine fraîcheur. La suite se passera plusieurs années après ce pre- mier cycle. Esteban sera un jeune adulte et aura, comme ses compagnons, beaucoup de choses à vivre. J’ai déjà plein d’idées, mais je préfère ne pas trop en dire pour le moment. Lucky Luke Mettre en scène une aventure de Lucky Luke était un rêve de gamin. J’ai dû insister longuement pour que les éditions Dargaud acceptent de faire confiance à ma proposition. Enfant, j’étais fan du cowboy qui tirait plus vite que son ombre ; je connaissais plusieurs de ses albums par cœur :