5 Vocation L’envie de dessiner m’a pris très tôt. Il y avait pas mal de BD à la maison : Lucky LukeTintinJohan e,, t Pirlouit, Yakari que nous lisions avec mes frères. C’était un sujet de conversation courant entre nous, parfois nous rejouions des scènes… J’ai commencé par recopier des cases, j’ai suivi des ateliers de dessins, puis au lycée une section artistique. Une bonne manière d’étudier le corps humain, la morphologie. Dans l’intervalle, j’ai découvert Moebius et Métal Hurlant, un vrai choc et une révélation. À quinze ans, je faisais du dessin d’observation avec des modèles nus en classe ! À cette époque les écoles d’Art ne tenaient pas la BD en haute estime, au contraire ! Il fallait la pratiquer en cachette, c’était presque subversif. Je n’ai pas reçu le moindre enseignement dans cette direction, même durant le BTS d’Arts Appliqués que j’ai suivi après le Bac, si bien que j’ai longtemps douté pouvoir en faire mon métier. Mes parents s’inquiétaient que je poursuive dans cette voie, mais l’envie était toujours là. Alors je suis allé trouver des dessinateurs que j’admirais avec mon carton à dessins pour leur demander conseil. Maîtres J’ai vu Jean-Claude Mézières plusieurs fois, André Juillard, aussi qui m’ont apporté des points de vue différents, des solutions à des problèmes techniques, pas mal de grain à moudre ainsi que beaucoup de conseils professionnels aussi. Tous ont été importants pour moi, mais celui qui m’a sans doute le plus apporté et que j’ai rencontré à plusieurs reprises, reste Christian Rossi. J’ai beaucoup appris en le regardant et en l’écoutant. À son contact, en voyant qu’il avait une maison, une vie de famille, j’ai compris que dessiner des BD pouvait être un vrai métier. Tous m’ont beaucoup donné parce qu’eux-mêmes avaient beaucoup reçu, notamment auprès de Jijé, leur maître, celui qui leur a ouvert les portes du métier. J’aime à penser qu’à travers leurs conseils j’ai hérité aussi un peu de son enseignement. Débuts Après une commande, Victor et Anaïspubliée dansOkap, mapemièi r re vraie BD a été Le Marquis d’Anaon avec Fabien Vehlman au scénario. Nous nous sommes rencontrés à l’atelier de la place des Vosges par lequel étaient passés beaucoup d’auteurs de la « nouvelle BD », Joann Sfar, Christophe Blain, Emmanuel Guibert… Nous avons rapidement formé une petite bande avec Gwen de Bonneval notamment. Si nous admirions le travail, les idées de ces auteurs qui ambitionnaient de renouveler le 9 Art et de secouere le cocotier, il n’était pas question pour nous de jeter le bébé avec l’eau du bain, de rompre avec les grands anciens qui nous avaient donné envie de faire ce métier. Évoluer, s’adapter, chercher sa voie, oui bien sûr, mais sans ressentir le besoin de rejet. Le travail avec Fabien a été riche, prenant, éreintant parce que nous tâtonnions tous deux en imaginant, au début du XVIIIesiècle les aventures de cet ancien étudiant en médecine pétri par l’es- prit des Lumières et en but aux croyances et superstitions de son temps. Nous avons beaucoup échangé, beaucoup parlé, un vrai travail d’écoute mutuelle où nous nous sommes révélés l’un à l’autre, c’était passionnant !