55 MATTHIEU BONHOMME LE MARQUIS D’ANAON La Providence (T.3), Dargaud 2004 Planche originale n° 13. Signée. Encre de Chine sur papier 34,5 × 51cm (13,58 × 20,08 in.) 2 000 - 3 000 € Cette planche met en scène un univers cher à Matthieu Bonhomme, la mer et les vieux gréements. Embarqué aux côtés d’une Comtesse andalouse qui se rend dans son pays, le Marquis croise sur son chemin ce qui ressemble fort à un vaisseau fantôme. J’ai croisé Matthieu Bonhomme dans l’atelier de Christian Rossi il y a plus de 25 ans. Comme moi, il était venu en apprentissage chez ce maître de la bande dessinée réaliste. Matthieu n’avait pas encore publié mais je sentais chez ce jeune homme une extraordinaire volonté, un désir d’apprendre, de comprendre, un esprit affuté et déterminé. Je me souviens du dessin d’un homme courant dans le couloir étroit d’un train, il était nu ou plutôt « écorché ». Matthieu décortiquait le corps pour comprendre « de l’intérieur » comment ça marchait. Il ne trichait pas, il allait déjà au fond des choses. Cette abnégation je l’ai retrouvée tout au long de son travail. Il n’a eu de cesse de me passionner. Matthieu s’inscrit à la fois dans la quête de la maîtrise du dessin dit « classique » et dans l’invention de nouvelles formes. Je me souviens de l’un de ses premiers livres en solo qui racontait l’épopée – sans texte – d’un homme préhistorique, comme de ses expérimentations avec Lewis Trondheim. Il s’inscrit à la fois dans la lignée des auteurs franco-belges, des Peyo, des Morris et Goscinny et celle des arpenteurs d’une nouvelle bande dessinée (Blain, Guibert…). Il a abordé des registres très différents. Esteban a conquis les enfants et pré-adolescents comme, avant lui,Johan et Pirlouit. Messire Guillaume, avec Gwen de Bonneval, nous amenait vers le fantastique. Charlotte impératrice, dans la fresque historique. Mais l’une des œuvres de Matthieu Bonhomme les plus marquantes – à mon avis – est Le Marquis d’Anaon qu’il a incarné à partir d’un projet de Fabien Velhmann, scénariste polymorphe et fascinant. Cette page est extraite de La Providence, un récit étrange sur la lente agonie d’un bateau et de son équipage. Au-delà d’un dessin solide, d’une geston i peccable des noirs, d’une gestuelle sobre, d’une narration sans gras… émerge une grande sensibilité. Matthieu cherche, Matthieu trouve et il m’emporte… J’aime le chemin qu’il a pris et qui le mène si loin, si proche des plus grands, ceux qui nous ont donné envie de dessiner. Emmanuel Lepage 66