LIFESTYLE MUSÉE Lignes de crête L’alpiniste Reinhold Messner a constitué dans les Dolomites et le Südtirol une collection de six musées, dont le dernier est né sous le crayon de Zaha Hadid. Texte Sabine Bouvet CRINIÈRE DE LION, regard de feu, mâchoire de conquérant. Reinhold Messner est un être incandescent qui a toujours vécu de sa passion. La mon- tagne l’a dévoré et continue de dévorer sa vie. Cet enfant du Südtirol (ou Haut-Adige) est le premier à avoir gravi, entre 1970 et 1980, les 14 sommets les plus hauts de la planète, autre- ment dit les 8 000 mètres en Himalaya. Et ce, sans assistance respiratoire, c’est-à-dire sans oxygène, rendant ainsi possible ce qui était alors impossible. Le ton est donné dès l’en- trée du Messner Mountain Museum Corones, avec une bouteille d’oxygène et les mots Zaha Hadid. Cette galerie conduit à trois couloirs dotés de “Not used by Messner”. Une déclaration en guise de profes- fenêtres ouvertes sur le paysage comme trois gros yeux qui sion de foi. Messner a inventé l’alpinisme de l’extrême, une dis- contemplent la majesté des Dolomites, “les plus belles mon- cipline reine où l’homme compte sur son potentiel physique, tagnes du monde”, dixit Messner. Le musée MMM Corones sa résistance, son mental. Le musée, planté sur le domaine raconte 250 ans d’alpinisme. “Cette discipline est née dans les skiable de Kronplatz/Plan de Corones (deux langues pour une Alpes. On ne dit pas himalayisme ou rocheusisme !”, nous région à la double identité italo- autrichienne), arbore aussi en rappelle-t-on très justement. Chacun des six musées de la façade l’échelle qui lui servit dans les Himalayas. Un temple collection Messner est consacré à une thématique. Celui de dédié à sa passion et un hommage à ses pairs, ponctué de cita- Firmiano par exemple, dans une forteresse millénaire campée tions de lui et de ses maîtres. Chacune ouvre les portes d’une sur un éperon rocheux, défiant la gravité, parle des spiritua- sagesse. Chacune est le fruit d’un défi, résonne d’une épreuve. lités orientales liées à la montagne. L’été, Messner y organise Messner le ténébreux irradie de lumière et son musée est à un festival et assure son rôle de conteur au coin du feu. son image. Ou plus précisément la circulation est le reflet de Il n’y aura pas eu de rencontre au MMM Corones entre les son propre cheminement. Andrea del Frari, directeur de la deux monstres sacrés, l’alpiniste et l’architecte. En 2015, Zaha station Kronplatz, partenaire intégrant du projet, raconte que Hadid est alors déjà malade et ne se rendra pas sur place. Elle Messner a souhaité un lieu qui fasse passer des ténèbres à la a donc signé là sa dernière œuvre. Pour Reinhold Messner, ce lumière, comme une ascension. Et c’est en effet ce qui se pro- musée inclassable est aussi le dernier de sa collection. Alors, duit. La porte d’entrée franchie, on pénètre dans les obscures quel message garder en héritage ? Sans doute celui qui résume entrailles de la terre. A l’intérieur de la roche, se dessine une son chemin de vie : “J’ai voulu grimper haut, pour regarder en galerie souterraine. On reconnaît là la signature organique de bas au plus profond de moi.” 190 / AIR FRANCE MADAME TEVUOB ENIBAS – LORITDÜS MDI/RELAHTSIW DLARAH SOTOHP