STYLE DÉCRYPTAGE “SMOKING-ROBE LONGUE,OU COMME il vous Claude Montana ou Thierry Mugler,qui a d’ail- conviendra.” Le carton d’invitation pour la soirée d’ou- leurs conçu les costumes des barmans aux couleurs verture du Théâtre du Palace, le 1er mars 1978, indiquait du théâtre, habillent les belles de nuit, et Le Palace d’emblée un vaste champ des possibles question look. devient le théâtre de leurs fantaisies. Fabrice Emaer, “Être looké”, voilà la clé pour pénétrer qui considérait la mode comme l’un des le nouvel antre de la nuit parisienneima- deux phénomènes les plus importants giné par l’un de ses piliers, Fabrice Emaer, qui vient de son temps avec la musique, célébrera de fermer le fameux Sept de la rue Saint-Anne pour rituellement la fi n des collections de prêt-à-porter deux ouvrir Le Palace au 8, rue du Faubourg-Montmartre. fois par an par de grandes fêtes. L’ancien théâtre, construit en 1895 mais inauguré dans La toute première, intitulée “Magic City”, sera don- son décor actuel en 1921, où se sont produites des née le 12 avril 1978 par Loulou et Thadée Klossowski. vedettes comme Mistinguett, Maurice Chevalier ou “Je voulais un bal costumé, dira Loulou, pour obliger Yvette Guilbert, devient donc un repaire disco avec chacun à faire un effort ; pour qu’ils n’arrivent pas tous Guy Cuevas aux platines. Un an après l’inauguration en punk et en cuir noir, ou alors tout simplement en de l’énorme Studio 54 installé à New York dans d’an- robe du soir et smoking. (…) On ne parlait que de ça ciens studios de télévision de CBS, Le Palace offre aux entre les collections (et souvent pendant…). Les gens noctambules avertis le plus vaste lieu où danser en plein donnaient des dîners pour discuter de leurs déguise- cœur de Paris. La piste au sous-sol du Sept était deve- ments.” Brillante, bigarrée et rocambolesque, excessive nue trop exiguë et le club se révélait bien trop élitiste, à et décadente, la faune la plus étonnante du Tout-Paris l’instar de Castel et Chez Régine. Fabrice Emaer avait fut bien au rendez-vous.Puis il y aura, le 25 octobre aussi observé qu’une partie de sa précieuse clientèle de la même année, le carnaval vénitien donné par Karl n’hésitait pas, la nuit venue, à aller s’encanailler dans un Lagerfeld, “De la cité des Doges à la cité des Dieux” caveau de Montreuil transformé en une immense boîte – certainement la fête du Palace la plus grandiose. où tonnaient funk et reggae, La Main bleue.Avec Mentionnons aussi les soirées déguisées de Kenzo dont Le Palace, Emaer tient son “symbole dela “Cartoon Birthday Party”. La fête va durer cinq ans, liberté”, démesuré. Ici tout estpermis ; jusqu’à ce que Fabrice Emaer disparaisse brutalement, il ne s’agit plus d’être riche ou célèbre pour décrocher terrassé par un cancer en 1983. Bien que maintes fois le droit d’entrée sous l’œil des redoutables “physios”, relancé, cet astucieux mélange des gou- Edwige Belmore et Jenny Bel’Air, il faut que ça brille. rous de la mode, des prêtres de l’under- Les extravagances sont, de fait, encouragées et ça tombe ground et du gratin de la vie parisienne, bien car la mode est justement à la fête. qui fut la clé du succès, s’évanouit. Le maître des lieux De jeunes créateurs, provocateurs et fantaisistes, avait dit un jour (ou une nuit) : “Si Le Palace vient un ont pris le pouvoir dans un grand élan euphorique, jour à disparaître, on se rappellera ses fêtes.” Il avait vu insouciant et utopique. Kenzo, Jean-Claude de Luca, juste, Le Palace demeure un étincelant souvenir. Page de gauche : silhouettes printemps-été 2019. Au centre : bal “Magic City”, le 12 avril 1978 au Palace, The party never stopped avec Loulou de la Falaise déguisée en Lucifer griffé Yves Saint Laurent. IT WAS PARIS’S HOTTEST NIGHTCLUB IN THE 1980S, AND A BASTION OF EXTRAVAGANT STYLE. THE LEGEND OF LE PALACE LIVES ON… “Tuxedo/evening gown, or whatever Extravagance was encouraged, la Falaise and her husband Thadée works for you.” The invitation for the which was opportune, because the Klossowski in April 1978. It was followed opening of Le Palace on March 1, 1978, fashion world was in party mode. by Karl Lagerfeld’s grandiose Venetian left the dress code open to interpreta- A new generation of young designers carnival in October of that year, Kenzo’s tion. To be admitted to the high temple had seized the spotlight with upbeat, “Cartoon Birthday Party”… The festivi- of Paris nightlife you had to be looké— daring creations. Kenzo, Montana and ties lasted for fi ve years, until Emaer’s to have a distinctive look. Mugler were dressing the denizens of untimely death in 1983. Although the One year after the opening of Studio the night, and Le Palace became the concept has been relaunched many 54 in New York, club owner Fabrice testing ground for their fl ights of fancy. times, no one has ever achieved the Emaer took over a former theater on Emaer, who considered fashion one of subtle alchemy of style, underground Rue du Faubourg Montmartre, turning it the two most important phenomena of appeal and high society that made the into Paris’s biggest disco, and a symbol his time, along with music, celebrated club a success. Emaer once said, “If of freedom. Revelers didn’t have to be the end of the ready-to-wear shows Le Palace ever fades away, people will rich or famous to get past the “physiog- with semiannual mega-parties. still remember its parties.” Considering omists” at the door—at Le Palace it was The fi rst, a costume ball entitled some of the looks from recent collec- all about style. “Magic City,” was hosted by Loulou de tions, we must admit that he was right. AIR FRANCE MADAME / 133 GREBSIN KCAJ – LATIGIDNI SOTOHP