CULTURE PORTRAIT “A way of exploring “M’explorer moi-même” myself…” IN HIS DEBUT NOVEL, A YOUNG NEW YORKER TAKES A SCATHINGLY WITTY LOOK Premier roman du jeune New-Yorkais AT THE “NORMAL” FAMILY. Andrew Ridker autour d’une famille Andrew Ridker was 24 years old when he normale, c’est-à-dire empêtrée dans ses wrote The Altruists, a novel peopled by charac- contradictions. Drôle et acide. Rencontre. ters mired in existential questions as complex Par Isabelle Potel as they are commonplace. “I wanted to talk about money, ethics, the family and how they all impact each other,” he says. Meet the Alters: IL A 28 ANS ET EN AVAIT 24 quand il a écrit ce premier roman parfois très Arthur, an engineering professor who can’t get drôle, parfois grinçant, dont les personnages s'égarent dans des questions over the failure of his humanitarian project in existentielles aussi banales qu’affreusement complexes ! “Je voulais parler Africa; his wife Francine, a psychologist who de l’argent, de la morale, de la famille, comment ces choses s’impactent has a secret nest egg stowed away; their son les unes les autres”, explique l’auteur américain. Dans la famille Alter, il Nathan, who suff ers from crippling shyness; and y a Arthur, le père ingénieur qui enseigne à la fac et ne se remettra jamais their daughterMaggie, in constant confl ict with vraiment de l’échec d’une mission humanitaire en Afrique her father. “I love the Amer- pour tester un matériau nouveau de son invention ; Francine, ican Jewish novels,” Ridker la mère psychologue et aimante, qui dispose d’un joli pécule “au says. “Roth, Bellow, Updike… cas où”, dont elle n’a parlé à personne ; le fi ls aîné, Nathan, qui I wanted to create a navel-gaz- souffre d’une timidité maladive, et la cadette, Maggie, en confl it ing antihero in that vein, and a permanent avec son père ; ainsi qu’une superbe maison aux portrait of a woman who lives traites trop élevées à Saint-Louis, Missouri. “J’adore les romans with that kind of man.” américains juifs, comme ceux de Philip Roth, Saul Bellow, John The son of a cardiologist Updike, qui tournent autour de problématiques masculines. father and French teacher J’ai eu envie de créer un antihéros de ce genre mais de l’affubler mother, Ridker grew up in a d’une famille, et aussi de faire le portrait d’une femme qui vit suburb of Boston. “We had a avec ce genre d’homme. Tout tourne autour de leur nombril, lot of books at home, and a même quand c’est pour se moquer d’eux-mêmes.” Et paf pour lot of causes, always seeking la vanité masculine ! Arthur est narcissique et semble croire que la vie lui to help others. I developed an obsession with doit quelque chose ; le roman est particulièrement incisif sur l’insatisfac- the question of what to do with our privilege. tion et la frustration qui résultent de ce mode d’être au monde, de plus en Does my writing have a social impact or is it plus périmé sans aucun doute à l’ère des dangers planétaires. just for me?” Although his novel is not autobio- Andrew Ridker a grandi dans une banlieue de Boston, mère prof de graphical, “all of the characters have a bit of français, père cardiologue et chercheur. “Beaucoup de livres à la mai- me in them. Fiction is a way of exploring and son, et beaucoup d’engagement. Aider les autres, c’était omniprésent. criticizing myself.” Afterstudying literature in J’en ai conçu une culpabilité obsessionnelle, autour de la question : Saint Louis, Ridker worked in New York, then que faire de nos privilèges ? Ecrire, est-ce que ça a un impact social ou attended the Writers’ Workshop in Iowa City c’est juste pour moi ?” On comprend mieux les coupages de cheveux before moving back east to Brooklyn. He en quatre auxquels se livre avec passion la famille Alter dans le roman. sees himself becoming a teacher one day— “Ce n’est pas autobiographique, mais tous les personnages ont un peu as always, thinking of his utility to society. de moi. La littérature me permet de m’explorer et de me critiquer moi- même. Si j’avais des opinions arrêtées, je n’écrirais pas. La fi ction ouvre sur la complexité, l’ambiguité…” Après des études en littérature anglaise à Saint-Louis, il a travaillé deux ans à New York dans l’édition (il a notamment dirigé l'ouvrage Privacy Policy: The Anthology of Surveillance Poetics), puis deux ans de Crea- tive Writing à Iowa City avant de revenir s’installer à Brooklyn, où il vit actuellement. Il est fan d’écrivains contemporains comme Jonathan Franzen, Jeffrey Eugenides ou Zadie Smith, dont il aime “le mélange entre politique, intimité, comédie et drame”. Il pense qu’il sera certai- nement professeur un jour (toujours cette quête d’utilité publique !), mais pour l’instant il profi te de l’énergie créatrice qui fait la réputation de Big Apple et qui lui réussit si bien. Les Altruistes, Andrew Ridker, éd. Rivages, 457p., 23 €. 84 / AIR FRANCE MADAME ESSERP SOTOHP