STYLE DÉCRYPTAGE LE VOGUEAMÉRICAIN D’AOÛT 1974 est historique nègres”. Parmi celles-ci, Naomi Sims, consacrée sur grâce à celle qui sourit en une : Beverly Johnson, la couverture du Fashion of the Times (août 1967) puis de 21 ans, est belle et elle est noire. Des lecteurs s’offus- Life avec ce titre : “Black Models Take Center Stage” quèrent, mais le numéro se vendit si bien que la jolie (octobre 1969). Effectivement, de nouveaux visages Beverly refi t la couverture l’année suivante. Vogue était décrochent les covers : Katiti Kironde, une étudiante le dernier des grands magazines outre-Atlantique à (Glamour, août 1968), suivie par Jane Hoffman, Jolie consacrer une beauté noire en couverture. Harper’s Jones et Daphne Maxwell, respectivement à la une Bazaar avait ouvert la voie en publiant, en janvier 1965, de Cosmopolitan (juin 1969), Mademoiselle et Glamour une illustration représentant Donyale Luna, avec une (octobre 1969). Dans un pays divisé par le racisme, couleur de peau toutefois éclaircie, afi n de ménager cela exprimait un véritable désir de faire progresser son lectorat ultra-conventionnel. Scandale quand l’égalité civique. L’assassinat de Martin Luther King même dans ce pays où les Noirs subissaient encore le 4 avril 1968 et les émeutes qui s’ensuivirent avaient des lois ségrégationnistes. marqué les esprits. Nouvelle désillusion pour Donyale avec Vogue Paris A l’instar des Black Panthers, des voix clament : dont elle devait faire la couverture en décembre 1965. “Black Is Beautiful”. Dans les magazines et dans les Lorsque les hautes instances de Condé Nast à défi lés aussi. Oleg Cassini est précurseur au milieu des New York l’apprirent, Edmonde Charles-Roux, la années 1950 : “Cela m’a valu beaucoup de problèmes rédactrice en chef, dut remplacer l’image illico et fut dans le Sud où l’apartheid était une réalité.” virée. C’est le Vogue anglais qui, en mars 1966, offrira à Yves Saint Laurent fera défi ler la première manne- Donyale sa première “vraie” couverture. Il est diffi cile quin noire en France, Fidelia, en janvier 1962. “Pour de la reconnaître, sa main gauche cachant son visage, rendre la mode universelle, il était normal d’avoir mais elle aura ouvert la voie, tant bien que mal. des blondes, des brunes et des femmes de couleur”, Dans les années 1960, les mentalités évoluent. On affi rmera Paco Rabanne qui présente en juillet 1964 recense environ 250 mannequins noirs à New York. sa collection portée par des mannequins noirs et en La plupart travaillent de façon occasionnelle, en musique. “A une époque où l’accent dans le défi lé est plus de leur emploi régulier. Les meilleurs gagnent le show, les mannequins noirs sont les superstars”, jusqu’à 35 dollars l’heure pour des magazines et des rapporte le Vogue US en 1978. Cette année-là, Dar- publicitaires du “Negro market”. L’agence Grace Del nella Thomas rejoint les “Charlie girls” de Revlon, et, Marco, fondée en 1946, se spécialise dans ce domaine. un an plus tard, Iman incarne “Polished Ambers” de En 1964, American Models se lance, suivie par Black Revlon, premier mannequin africain décrochant un Beauties en 1968. Des agences de renom commencent contrat cosmétique majeur – le Graal pour tout man- à représenter ce qu’on appelait des “mannequins nequin, quelle que soit sa couleur. Page de gauche : silhouettes automne-hiver2019-2020. Naomi Campbell (au centre), premier mannequin noir en couverture d Vogue Paris (aoûtu 1988, image de Patrick Demarchelier, qui lui avait “offert” sa première couverture du Vogue anglais en Donyale, décembre1987). On ne compte plus aujourd’hui les couverturesde l’exceptionnellecarrière de Campbell. Beverly, NaomiÉ AND TODAY ADUT, ANOK, MAYOWA, HERIETH… THE RISE AND REIGN OF BLACK MODELS IN FASHION. The August 1974 issue marked a 1966 to get her fi rst “real” (photographic) “Black is beautiful” became an turning point for American Vogue. It had cover with British Vogue. She is shown accepted truth in the magazines—and to do with the choice of cover model: with one hand covering much of her on the catwalks. Yves Saint Laurent Beverly Johnson, 21 years old, beautiful face, but the color barrier was broken. was the fi rst in France to feature a black and black. Some readers took off ense, In the sixties, there were about 250 model in a runway show in 1962. In 1964 but the issue became a bestseller. And black models in New York, most of Paco Rabanne followed suit, comment- Vogue was not thefi rst U.S. magazine them working part time and earning at ing that it was “normal to have blondes, to put a black model on the cover. most $35 an hour. Several agencies brunettesand women of color.” By 1978 In 1965, Harper’s Bazaar won that made them a specialty, including Grace American Voguewas proclaiming that distinction by publishing an illustration Del Marco (founded in 1946), American “black models are the superstars” of depicting Donyale Luna—with her skin Models (1964) and Black Beauties the fashion shows. One year later, Iman lightened to appease a conservative (1968). Then the major agencies began was chosen as the “face” of Revlon’s readership. Luna was supposed to representing African-Americans like Polished Ambers makeup line, becom- grace the cover of Vogue Paris later that Naomi Sims, seen on the cover of Life ing the fi rst black woman to win a major year, but the photo was replaced at the in 1969 with the title “Black models take cosmetics contract. A dream come true last minute. She had to wait until March center stage.” for any model of any color. AIR FRANCE MADAME / 137 MOC.YAWNUROG SOTOHP