DOSSIER PROPOS DÉONTOLOGIQUES QUELS DROITS LES JEUNES MINEURS DE 14 ANS ET PLUS ONT-ILS? Dominique Trudel, Ph. D., ps.éd., coordonnatrice au développement de la pratique et au soutien professionnel En 1972, le législateur a reconnu au mineur de 14 ans seul à des soins de toute nature et de bénéficier du secret profes- ou plus certains droits dont ceux de travailler, de sionnel, les parents conservent leurs droits et leurs obligations disposer de ses revenus et de consentir seul à des à son égard jusqu’à sa majorité. Comme titulaires de l’autorité soins requis par son état de santé.1 parentale, ils doivent notamment veiller à sa sécurité et à sa santé Les mineurs de 14 ans et plus peuvent donc prendre seuls la physique et psychologique. Ils demeurent des acteurs importants décision d’accepter ou de refuser un soin requis par leur état de pour son développement. santé, tels qu’avoir accès au dépistage et au traitement d’infections Trouver l’équilibre entre le droit du jeune à son autonomie transmises sexuellement ou encore interrompre volontairement et les responsabilités des parents peut quelques fois être délicat. une grossesse sans que leurs parents l’autorisent ou en soient D’un point de vue clinique, selon l’âge du jeune et l’évaluation de même informés. Par contre, dans les situations où ce soin ne ses besoins, l’apport des parents peut sembler essentiel. « Mettre serait pas requis par l’état de santé et comporterait des risques les parents dans le coup » peut exiger d’accompagner le jeune majeurs, comme une chirurgie esthétique pouvant laisser des dans cette démarche tout en préservant la relation professionnelle. séquelles importantes et permanentes, l’autorisation des parents Devant une situation ayant des conséquences importantes ou des représentants légaux serait nécessaire. De même, en situ- pour le jeune et son entourage, par exemple le dévoilement de ation d’urgence ou lorsque la vie ou l’intégrité d’un jeune sont son homosexualité, d’une relation amoureuse dans laquelle le menacées, celui-ci ne pourrait refuser d’être traité. Les titulaires jeune est victime de violence, de sa participation à des actes cri- de l’autorité parentale devraient à ce moment consentir pour lui. minels ou d’une grossesse non désirée, le psychoéducateur aura Par ailleurs, toute décision, qu’elle soit prise par le jeune de à porter un jugement clinique sur la relation entre le jeune et ses 14 ans ou plus ou par ses parents, doit l’être dans son intérêt. parents. Il devra cerner les facteurs de risque et de protection de C’est ce que précise l’article 33 du Code civil : cette relation et explorer les craintes, fondées ou non, du jeune à Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son dévoiler la situation. À la lumière de son analyse, il sera en mesure d’évaluer s’il est dans l’intérêt du jeune de l’inviter à informer ses intérêt et dans le respect de ses droits. parents de la situation ou s’il est préférable de ne pas le faire. Il Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels,pourra aussi, le cas échéant, discuter avec le jeune des modalités affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère,possibles de la divulgation de cette information « sensible » à ses son milieu familial et les autres aspects de sa situation. parents : prendre une entente avec le jeune pour qu’il partage lui- En ce sens, si la décision du mineur de 14 ans ou plus est consi- même cette information au moment et de la manière voulus, lui dérée comme allant contre son intérêt, elle pourrait être renversée proposer l’accompagnement d’un professionnel ou d’un adulte par un tribunal ou, s’il y a urgence, par les parents eux-mêmes. La de confiance, etc. direction de la protection de la jeunesse pourrait aussi intervenir. Situation d’urgence et limites au secret professionnel Qu’en est-il des services psychosociaux? L’article 19 du Code de déontologie permet au psychoéducateur Le même principe s’applique aux soins psychologiques. Le mineur de communiquer un renseignement de nature confidentielle afin de 14 ans ou plus qui désire consulter un psychoéducateur, ou de prévenir un acte de violence. Une modification récente au tout autre professionnel, peut le faire de son propre gré sans Code des professions amène une nouvelle interprétation de cet l’accord de ses parents ou représentants légaux. Ce jeune pourrait article à la lumière de la Loi visant à lutter contre la maltraitance ainsi recevoir de l’aide sans que ces derniers en soient informés, envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de du moins dans le cadre des services publics. S’il désire consulter vulnérabilité adoptée le 30 mai 2017. La référence temporelle à un psychoéducateur en cabinet privé, le fait que les honoraires l’imminence a été remplacée par la notion de risque sérieux et professionnels soient payés par ses parents ne lui garantit la perception d’un sentiment d’urgence a été ajoutée. De plus, le évidemment pas le même anonymat. Par contre, cette situation sens donné à « blessures graves » inclut désormais les blessures ne donnera pas plus aux parents le droit d’être informés de ce qui psychologiques qui peuvent nuire au bien-être d’une personne. se passe dans la relation professionnelle que le jeune entretient Cette interprétation accorde ainsi au professionnel plus de avec le professionnel. latitude dans son jugement et élargit la nature des situations qui Malgré ce droit du mineur de 14 ans ou plus de consentir peuvent motiver une action préventive du professionnel. Article 14 du Code civil du Québec1 LA PRATIQUE EN MOUVEMENT MARS 2019 27