DOSSIER PORTRAITS DE PRATIQUE Soutenir la transition à la vie adulte en Centre jeunesse Jessica Germain, etJulie Sénécal, psychoéducatrices en hébergement au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est Animées par la passion d’aider les adolescents dans leur quo- Au moment de débuter le service à cette clientèle, en tidien, nous sommes deux psychoéducatrices qui avons choisi gardant en tête l’obligation d’obtenir un consentement d’œuvrer en centre de réadaptation. Les adolescents qui y sont libre et éclairé, comment vous y prenez-vous pour établir la hébergés nous sont principalement confiés à la suite d’un collaboration et, s’il y a lieu, travailler avec les résistances? signalement visant à les protéger lorsque leur sécurité ou leur Notre clientèle étant souvent non-volontaire, il peut être ardu développement est compromis. Nous recevons des jeunes vivant d’obtenir la collaboration des jeunes. Nous misons sur la force du une situation d’abandon, de négligence, d’abus ou encore aux lien pour travailler leurs résistances et influencer leur parcours. prises avec des troubles de comportement sérieux. Un fort Notre savoir-être ainsi que les différents schèmes relationnels sont pourcentage des jeunes desservis présente une problématique de des facteurs déterminants dans cette démarche. Nous devons être santé mentale ainsi que de nombreuses difficultés d’adaptation. bienveillants dans notre accueil et profiter de chaque occasion de Étant hébergés en centre de réadaptation en vertu de la Loi sur vécu partagé avec le jeune pour l’accompagner dans son désir de la protection de la jeunesse, la plupart des adolescents auprès changement. desquels nous intervenons sont réfractaires à leur placement et résistants aux changements. Quels sont les enjeux cliniques ou éthiques que vous rencontrez le plus souvent dans le cadre de votre Étant donné que votre clientèle se situe à une période pratique avec cette clientèle? de vie où le développement de son autonomie est Le principal enjeu auquel nous faisons face lors de la préparation particulièrement important, comment votre pratique à la vie adulte est la gestion des risques que demande l’apprentissage tient-elle compte de cette tâche développementale? de l’autonomie en regard de notre mandat de protection du jeune Dans un contexte de réadaptation en internat, notre pratique mineur. En effet, nous devons assouplir le cadre entourant l’ado- vise la poursuite du développement du jeune et consiste princi- lescent afin qu’il puisse expérimenter des situations d’autonomie palement à l’accompagner dans son projet de vie. Lorsque, pour et qu’il vive des succès, mais aussi des échecs. Cette gestion des diverses raisons, le jeune devra vivre jusqu’à sa majorité sans risques doit être partagée et assumée par tous les adultes entourant l’aide de sa famille immédiate ou élargie, ce projet comporte l’adolescent afin de lui démontrer un appui solide face aux obstacles des apprentissages favorisant l’autonomie. Un de nos défis est La relation de confiance, établie par de de maximiser le potentiel adaptatif de l’adolescent et de favoriser son développement, malgré un retard parfois considérable. Nous petits gestes du quotidien à travers le souhaitons sensibiliser les jeunes à la transition à la vie adulte pour qu’elle soit la plus harmonieuse possible. Avant tout, nous vécu partagé, permet la création d’une devons donner au jeune un sentiment de sécurité afin de créer un climat de confiance avec l’équipe de réadaptation. alliance thérapeutique et l’amorce d’un Nous évaluons les besoins du jeune et le projet de vie qu’il souhaite poursuivre. Nous demandons à l’adolescent de réfléchir processus de changement. à plus de trois plans d’avenir. Il peut, par exemple, prévoir une colocation, la location d’une chambre, celle d’un appartement ou rencontrés. Cela représente un défi de taille puisque nous sommes encore l’hébergement dans une ressource. Avec sa participation, de nombreux intervenants, avec des expertises et des points de vue nous précisons les étapes pour parvenir à la réalisation de son qui peuvent différer. Nous devons aussi tenir compte d’une anxiété projet de vie ainsi que l’aide que nous pouvons lui offrir. Le but très présente chez l’adolescent. Devant la peur de l’inconnu, les de cette méthode de travail est de maintenir l’espoir en un avenir manifestations symptomatiques s’expriment parfois avec intensité meilleur afin que le jeune continue d’avancer malgré les obstacles, dans des comportements ou des attitudes qui peuvent ralentir le voire un échec de son premier pland’avenir. Nous offrons des sorties processus de changement. Un autre enjeu consiste à composer dans la communauté ainsi que diverses activités pour apprendre avec le possible abandon ou le délaissement de la famille. Avant à faire de la cuisine ou à faire un budget ou pour connaître les de poursuivre sa quête vers l’autonomie, l’adolescent doit se faire ressources du quartier (hébergement, recherche de logement, à l’idée qu’il ne retournera pas vivre dans sa famille. banques alimentaires ou autres). Pour favoriser le développement Finalement, pour les intervenans u denier défi est ’acceptert, nr d de l’autonomie de ces jeunes et leur transition vers l’âge adulte, le choix de vie du jeune qui peut aller à l’encontre du projet plusieurs programmes spécialisés sont à notre disposition, dont espéré pour eux. En définitive, nous avons tous le même but, celui le Programme Qualification Jeunesse qui peut être poursuivi d’avoir à cœur le bien-être du jeune en lui donnant les ressources au-delà de l’âge de la majorité. nécessaires pour qu’il se bâtisse un avenir meilleur. n 14 LA PRATIQUE EN MOUVEMENT MARS 2019