PAGES OUVERTES ENQUÊTE SUR LES PERCEPTIONS DE LA PUNITION CORPORELLE COMME PRATIQUE PARENTALE DISCIPLINAIRE Ce qu’en disent les psychoéducateurs Marie-Ève Clément, Ph.D., professeure au département de psychoéducation et de psychologie, Université du Québec en Outaouaiset Sarah Dufour, Ph.D., professeure à l’École de psychoéducation, Université de Montréal Clément, M.-È., Dufour, S., Gagné, M.H., Gilbert, S., Frappier, J.Y., et April., J. (2015-2019). Représentations de la punition corporelle et pratiques de soutien et de signalement des professionnels œuvrant auprès des familles. Étude financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (435-2016-0327). CONTEXTE du Québec (OPPQ). Ces psychoéducateurs (9%) et psycho- Les professionnels et les intervenants œuvrant auprès des éducatrices (91%) sont âgés entre 24 et 65 ans (moyenne de 39 ans), familles jouent un rôle important dans le soutien qu’ils offrent majoritairement nés au Canada (98%). Ils cumulent entre un an aux parents. Ils sont régulièrement sollicités par les parents pour et quarante-deux ans d’expérience de travail auprès des enfants et obtenir des informations sur la parentalité, plus particulièrement des familles (moyenne de 14 ans). Ils travaillent dans une école la discipline (Lee et al., 2014; Taylor, Moeller, Hamvas, et Rice, maternelle ou primaire (19%), une école secondaire (13%), un 2012; Warren, 2005), et sont les mieux placés pour identifier CISSS/CIUSSS (CLSC, 28%; centre jeunesse, 16%; centre de leurs difficultés (Gilbert et al., 2009). Pourtant, les études réadaptation, 13%; centre hospitalier, 2%), en pratique privée montrent qu’ils ne sont pas toujours formés ou bien outillés (5%) ou dans un autre milieu (4%). pour conseiller les parents sur les sujets de la discipline, dont la punition corporelle, ni pour identifier les situations devant être CONSTATS signalées à la Direction de la protection de la jeunesse (Alvarez, Attitudes à l’égard de la punition corporelle Kenny, Donohue, et Carpin, 2004; Wissow, Larson, Anderson, Les punitions corporelles en contexte disciplinaire se déploient et Hadjiisky, 2005). En outre, leurs pratiques de soutien peuvent sur un continuum de gravité allant des punitions corporelles, être teintées de leurs caractéristiques personnelles, de leurs comme une tape ou une fessée, à des comportements abusifs, connaissances théoriques et légales et du contexte social et comme secouer un bébé ou frapper avec un objet. Bien que les culturel dans lequel vivent les familles (Bluestone, 2005). punitions corporelles, soient reconnues comme dommageables pour la santé et le bien-être des enfants (Gershoff, & Grogan- MÉTHODE Kaylor, 2016; Gershoff, Sattler, et Ansari, 2017; MacKenzie, Un sondage en ligne a été réalisé entre avril et novembre 2017 Nicklas, Brooks-Gunn, et Waldfogel, 2015), elles sont encore auprès de 1 824 professionnels et travailleurs québécois afin admises au Canada comme « force raisonnable » au sens du de documenter leurs perceptions de la punition corporelle comme Code criminel. discipline parentale et leurs pratiques de soutien auprès des fa- Tous les psychoéducateurs sondés sont d’accord avec le fait que milles. Pour prendre part à l’étude, les répondants devaient, dans la punition corporelle n’est pas une méthode efficace pour le cadre de leur emploi actuel, intervenir au moins 20% de leur éduquer un enfant et presque tous (98%) croit que la punition temps auprès d’enfants mineurs ou de leurs parents. Plus parti- corporelle peut avoir des conséquences physiques culièrement, l’enquête a permis de documenter : 1) leurs attitudes ou psychologiques pour les enfants. à l’égard de la punition corporelle; 2) leurs connaissances du cadre légal entourant le recours à la force comme pratique parentale On observe toutefois une certaine ambivalence dans les atti- disciplinaire ; 3) leurs attitudes à l’égard du signalement à lapro- tudes des psychoéducateurs, puisque la majorité des répondants tection de la jeunesse ; et 4) leurs sources de connaissancessur les (90%) indiquent être confiants de reconnaître les signes d’abus pratiques parentales disciplinaires et sur la maltraitance infantile. physiques envers un enfant, tandis que plus de la moitié (52%) Le texte qui suit présente les résultats des 387 répondants indiquent que la distinction entre une punition corporelle membres de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices raisonnable et déraisonnable n’est pas claire pour eux. 1. Toutes les balises mentionnées dans la colonne de gauche sont vraies. 32 OCTOBRE 2018 LA PRATIQUE EN MOUVEMENT