DOSSIER EXPERTISE PARTICULIÈRE L’ÉVALUATION AUX FINS D’UNE DÉROGATION SCOLAIRE Le Règlement sur l’admissibilité exceptionnelle à l’éducation préscolaire et à l’enseignement primaire prévoit qu’un enfant puisse commencer l’éducation préscolaire ou la première année du primaire avant l’âge prescrit. Pour bénéficier d’une telle déro- gation à la loi, les parents estimant que leur enfant se démarque de la moyenne doivent obtenir une évaluation de ses capacités réalisée par un professionnel habilité, tel un psychologue ou un psychoéducateur. Cette évaluation doit conclure qu’au regard de son niveau de développement, l’enfant subirait un préjudice réel et sérieux si son admission à l’école se faisait à l’âge prescrit. La nature de ce préjudice peut notamment concerner sa motivation envers l’école, sa socialisation ou son sentiment d’appartenance à son groupe de pairs actuel. Le psychoéducateur qui veut développer cette expertise en évaluation doit détenir une maitrise et compléter une formation sur le processus d’évaluation aux fins d’une dérogation scolaire et sur les instruments de mesure pertinents. Les lignes directrices de l’Ordre exigent aussi que ses premières évaluations soient réalisées sous la supervision d’un psychoéducateur ou d’un psychologue. Sans accorder une accréditation formelle aux membres qui veulent annoncer cette expertise, l’Ordre assure une certaine surveillance de leurs compétences, notamment en leur demandant d’attester des formations et des supervisions reçues. 17 membres de l’Ordre affirment réaliser des évaluations aux fins de dérogation scolaire dans le cadre de leur pratique autonome. Le psychoéducateur David Côté-Dion, copropriétaire de la Clinique des Ils et Des Elles, à Varennes, détient cette expertise depuis 2016. Il nous parle de son parcours. Membre de l’Ordre depuis 2009, j’ai d’abord travaillé à la commission scolaire de la Pointe-de-l’Île. À partir de 2015, j’ai adopté une pratique transitoire, en milieu scolaire de jour, en pratique privée de soir et de fin de semaine à la clinique interprofessionnelle fondée avec ma conjointe selon un modèle de société par actions où nous sommes les principaux actionnaires. Depuis l’ouverture de notre clinique, nous recevons entre une et quatre demandes d’évaluation pour dérogation scolaire par année. Le plus souvent, ces demandes proviennent de familles dont les enfants possèdent des aptitudes cognitives élevées. Les parents doivent faire eux-mêmes les démarches dans le secteur privé s’ils désirent devancer l’entrée scolaire de leur enfant. Une évaluation complète peut leur coûter entre $ 850 et $ 900 et demander au psychoéducateur de 9 à 10 heures de travail. Environ trois rencon- tres de 90 minutes sont consacrées à l’évaluation, une heure à l’analyse, trois heures à la rédaction du rapport et une dernière heure à la présentation des résultats aux parents. De son côté, le psychoéducateur doit investir dans sa formation et l’acquisition de tests normatifs, souvent assez onéreux. Puisqu’il y a peu de demandes annuellement, ces déboursés doivent être considérés comme un investissement étalé sur plusieurs années. Pour être admis à l’école avant l’âge prescrit, l’enfant doit se situer à un niveau supérieur dans quatre sphères de développement, soit aux niveaux intellectuel, affectif, psychomoteur et social. Le processus d’évaluation se fait par étapes; à chacune d’elles, si l’enfant ne se qualifie pas, il est possible de mettre un terme à la démarche. Le savoir-être avec les parents est particulièrement important car leur déception peut être grande. De plus, il faut prévenir les parents qu’une recommandation de dérogation n’assure pas au- tomatiquement l’inscription de l’enfant à l’école. C’est la commission scolaire qui prend la décision finale sur la base de l’évaluation réalisée par le professionnel et considérant divers facteurs, notamment la disponibilité des places à l’école. Lorsqu’une entrée précoce n’est pas possible, j’accompagne les parents pour trouver des façons de répondre aux besoins d’apprentissage de leur enfant. Comme l’accélération des apprentissages n’est généralement pas bien perçue, il faut être confiant en notre jugement clinique pour pouvoir l’expliquer de vive voix aux personnes responsables de la décision. J’ai quand même pu constater l’impact positif d’une entrée scolaire précoce chez certains enfants. J’ai alors été tenté de pousser plus loin ma formation. J’ai assisté à deux webinaires du National Association of Gifted Children, l’un portant sur le processus d’évaluation aux États-Unis et l’autre portant sur la structure scolaire mise en place pour les enfants à haut potentiel. J’ai aussi pris connaissance des lignes directrices américaines émises par l’Acceleration Institute et j’ai suivi un troisième webinaire sur l’utilisation de l’Iowa Acceleration Scale, 3ièmeédition. Malgré l’absence de versions francophones de ces documents et le contexte complètement différent entre les deux pays, ces formations m’ont permis d’améliorer mon processus d’évaluation. Au début de ma pratique de l’évaluation à des fins de dérogation scolaire, j’ai pu compter sur les autres professionnels de mon équipe, psychologue, psychoéducateur, ergothérapeute et orthophoniste et sur leur éclairage clinique pour cerner les compétences de l’enfant sous différents angles. Mes collègues m’ont aidé à compléter mon expertise au-delà de la connaissance du processus de dérogation enseigné. Par la suite, j’ai poursuivi ma démarche d’apprentissage sous la forme de codéveloppement en utilisant nos salles munis de vitres sans tain avec certains collègues présents à la formation. Nos échanges nous ont permis de peaufiner le processus et j’ai pu les aider à débuter cette pratique. n Référence Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. (2015). L’évaluation aux fins de dérogation scolaire. Lignes directrices. Montréal. LA PRATIQUE EN MOUVEMENT OCTOBRE 2018 23