DOSSIER EXPERTISE PARTICULIÈRE LA MÉDIATION FAMILIALE Depuis 2012, les psychoéducateurs font partie des professionnels désignés par le ministère de la Justice pour agir comme médiateurs familiaux auprès des couples avec enfants. « La médiation familiale est un mode de résolution des conflits par lequel un médiateur impartial intervient auprès des parents pour les aider à négocier une entente équitable et viable, répondant aux besoins de chacun des membres de la famille et faisant l’objet d’un consentement libre et éclairé. Cette négociation raisonnée permet de développer et d’appofodir les besoins de chacune des parties, tant des enfants que des parents, d’analyser ensemble plusieurs options de règlement et de choisir la solution la plus satisfaisante pour la protection et l’intérêt de tous les membres de la famille. »1 Pour être accrédité à la médiation familiale, il faut d’abord détenir trois ans d’expérience professionnelle dans son champ d’exercice. Une formation de base de 60 heures, suivie de la réalisation de dix mandats de médiation familiale sous supervision en concomitance avec un bloc de 45 heures de formation complémentaire sont nécessaires pour pratiquer cette expertise en toute compétence et autono- mie. Une section du site de l’Ordre est consacrée aux exigences de cette pratique d’expertise. 21 membres de l’Ordre sont accrédités comme médiatrice ou médiateur familial. Voici le témoignage de l’une d’entre elles au sujet2 de ce qui l’a amenée à développer cette expertise particulière. Je me nomme Johanne Quenneville. Je cumule aujourd’hui plus de trente ans d’expérience, dans les milieux communautaires, de l’éducation ainsi que de la santé et des services sociaux. Ces années m’ont permis de développer des compétences auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes, de parents et de familles présentant des problématiques variées. Mes 15 dernières années d’intervention à l’équipe d’intervention mobile de crise au CISSS de Lanaudière m’ont apporté une expérience unique, contribuant à développer davantage mon savoir-faire et savoir-être auprès de personnes en situation de stress très élevé. Je combine maintenant un emploi à temps partiel avec une pratique autonome. Cette dernière est variée : consultation en bureau, enseignement post-accident pour la SAAQ et médiatrice familiale. Membre de l’Association de Médiation familiale du Québec, je suis, depuis 2017, représentante déléguée de l’Ordre au Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (COAMF) et siège au comité de la médiation familiale de l’Ordre. Je suis aussi mandatée à la médiation en contexte de régimes de protection et mandat de protection pour le district judiciaire de Joliette. À la fin des années 1980, j’ai personnellement vécu une séparation conflictuelle. À cette époque, la médiation familiale était peu connue et je me suis sentie bien seule, isolée, impuissante et peu outillée pour traverser cette épreuve. Ce passage de ma vie a certainement marqué mon intérêt pour la famille et le bien-être des enfants. J’ai suivi la formation en médiation familiale aussitôt qu’elle est devenue disponible aux psychoéducateurs. Il est clair que celle-ci était un moyen pour faire la paix avec ce que j’avais vécu comme mère. Aujourd’hui, je comprends toute l’importance de soutenir et d’accompagner les parents dans leur processus de séparation. Je me sens personnellement et professionnellement équipée pour intervenir adéquatement auprès d’eux, peu importe leur histoire, leur vécu. Je peux aider ces parents même dans les situations les plus complexes ou marquées d’intenses conflits. J’analyse et évalue rapidement leurs conditions puis je planifie et propose les stratégies d’intervention adaptées pour favoriser le processus de médiation. Si indiqué, j’évalue l’urgence du risque suicidaire ou d’homicide et j’interviens en conséquence. À l’occasion, si cela est requis, je sais être directive. Mon rôle de médiatrice commence par l’accueil des parents; je les aide à identifier et à nommer leurs émotions, peines et déceptions. Pour certains, cette démarche correspond au début du processus de deuil du couple et de leur vie familiale. D’ailleurs, j’ai pu observer que d’entretenir des conflits entre eux pouvait inconsciemment servir à maintenir leur lien « à tout prix ». Il s’agit alors d’amener le couple au-delà de ce mode relationnel afin de rétablir une communication plus saine et positive. J’accompagne et sensibilise les parents quant à l’importance de placer les intérêts de leurs enfants au cœur de leurs décisions. La séparation est un long et difficile cheminement. C’est une période empreinte de crise et d’émotivité, de déséquilibres et d’incertitudes que chacun des parents et des enfants vit à sa façon. La médiation m’amène essentiellement à jouer le rôle d’un intermédiaire pour favoriser et encourager l’apprentissage de nouvelles pratiques de communication. Je cherche à redonner à chacun son pouvoir ainsi qu’à préserver son estime et son intégrité. Je guide les parents dans le choix des solutions les plus favorables pour eux et leurs enfants. Je souligne l’importance de leur rôle parental pour le développement affectif et social de leurs enfants et les rassure sur la place qu’ils continuent d’occuper dans leur vie. Le processus de médiation est aussi le moment de reconstruire de nouvelles bases familiales pour leur avenir. Oui, il est possible de réussir une nouvelle relation de coparentalité et la médiation est un excellent moyen pour y parvenir. Des recherches démontrent qu’avec une séparation réussie, les enfants ont un développement affectif similaire à ceux qui proviennent d’une famille nucléaire. Ils s’épanouissent dans un climat de relations respectueuses où l’on reconnait l’importance et la liberté d’aimer son autre parent. Je crois que par la médiation, les psychoéducateurs etpsychoéducatrices participent et contribuent socialement au bien-être des enfants et des parents. Le savoir, le savoir-faire et le savoir-être jumelés aux années d’expérience dans une pratique diversifiée sont des ressources précieuses qui me permettent de pratiquer la médiation avec bienveillance. n 1Définition extraite du site du ministère de la Justice: https://www.justice.gouv.qc.ca/couple-et- 3Cloutier, R., Filion, L. et Timmermans, H. (2012) Les parents se séparent. Mieux vivre la crise et famille/separation-et-divorce/la-mediation-familiale-pour-negocier-une-entente-equitable/defini-aider son enf ant, 2 ième éd ition, Montréal : Éditions du C HU Ste-Justine tion-et-but-de-la-mediation/ Référence 2Données tirées du Tableau de l’Ordre en juin 2018 Le site web du Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale : http://coamf.org 24 OCTOBRE 2018 LA PRATIQUE EN MOUVEMENT