Qui serait le plus gros bosseur ? disparu quand j’ai réussi à trouver le bon fonctionnement. Daniel (Sangouma), également coaché par Fernand, abattait Il y avait toujours du stress, mais je ne le montrais pas. Sur le beaucoup de travail. La quantité ne lui faisait pas peur. C’était stade d’échauffement à Split, le bâton est tombé. J’ai juste le genre de gars capable d’entraîner tout le monde par sa dit : « Les gars, c’est pas grave, il vaut mieux que ça arrive manière d’être. En fait, dans ce collectif, chaque athlète avait maintenant. » un rôle important à jouer dans un domaine différent. Que ce soit Jean-Charles, Daniel, Bruno, Max, sans oublier Eric Perrot, L’entraîneur qui vous a inspiré ? qui était remplaçant, ou Gilles Quénéhervé. Ce sont ceux qui m’ont formé, au Creps de Talence. Des professeurs qui étaient de grands pédagogues comme Avez-vous une anecdote qui vous a marqué lors d’une Monsieur Beziade, coach de Pierre Alard (huit records de séance d’entraînement ? France au disque, NDLR). Un homme extraordinaire qui ne Au Bordeaux Étudiants Club au début des années 70, j’entraî- payait pas de mine, mais qui était simple et illustré dans nais Bruno Tappon, recordman de France cadets du 250 m sa démarche. Il allait au plus juste, tapait tout de suite dans haies. Il était junior première année. À l’époque, tous les le mille. Par ailleurs, j’ai eu la chance de connaître Jacques spécialistes du tour de piste faisaient à l’entraînement un Dudal (entraîneur national et directeur technique national à la 500 m, suivi d’un 400 m et d’un 300 m. On l’appelait la séance fin des années 70,NDLR), qui avait un coup d’œil énorme et du bidet, car les gars allaient vomir derrière. Avec lui, j’ai préféré bon sens. Il y a aussi le père Maigrot, qui m’a conseillé quand insister sur la qualité : 3x300 m. Il a été très rapide sur les deux j’étais hurdler et avec lequel j’ai compris des choses en trois premiers, mais il ne voulait plus trop faire le dernier. Je lui ai secondes. Il me prenait par l’épaule et me disait : « Tu sais, il dit de se concentrer sur sa manière de courir, d’être moins n’y a pas besoin de marques en relais. Un pigeon, quand il aérien et de chercher plus de tempo. Et ça a bien marché. décolle pour ne pas se faire écraser par une voiture, il n’en a Il a découvert ce jour-là ce qu’était l’économie de la foulée, pas. » J’aimerais encore citer Jacques Pelgas, Gérard Lelièvre, et il est passé de 14 à 15 foulées dans les intervalles à la fin Jean-Hervé Stievenart et Guy Ontanon. de ses 400 m haies. Quelques semaines plus tard, il était champion de France juniors. L’athlète français en activité qui vous impressionne le plus ? Il y en a trois : Kevin Mayer, car ce qu’il réalise est proprement prodigieux. Ensuite Renaud Lavillenie, j’ai d’ailleurs assisté à « Les spécialistes du tour de piste son premier saut à plus de 6 m (6,01 m lorsdes champion- faisaient à l’entraînement un 500 m, nats d’Europe par équipes à Leiria en 2009,NDLR). La veille du concours, il enchaînait les courses d’élan à pleine vitesse. suivi d’un 400 m et d’un 300 m. On J’avais hâte de voir ce que ça allait donner dans le butoir. Et l’appelait la séance bidet, car les gars enfin, Christophe Lemaitre, un garçon a la volonté énorme et plus qu’attachant. Après sa médaille de bronze à Rio, je allaient vomir derrière. » l’ai croisé lors de la cérémonie organisée à l’Élysée pour les médaillés des Jeux olympiques et paralympiques. Je lui ai montré mon bras en lui disant : « Regarde comme tu me Quelles relations entreteniez-vous avec les athlètes de donnes la chair de poule ! » votre groupe ? Tous les athlètes me tutoyaient, ce qui choquait d’ailleurs Quel regard portez-vous sur le 4x100 m masculin actuel ? Fernand. Un groupe d’entraînement, c’est une ambiance, J’attends avec impatience que le record de France, et même un climat. Au début, les relayeurs de l’équipe de France celui d’Europe, soient battus par nos sprinters. À Tokyo (2e ne se connaissaient pas. Je les ai obligés à venir à plusieurs place en 37’’87, NDLR), il y avait un différentiel de 3’’40 entre le reprises à Nice pour des stages. On a découvert les talents temps final et l’addition des chronos individuels de chaque de pianiste de Bruno, les blagues de Daniel… L’entraîneur athlète au cours de l’année. C’était le reflet du travail réalisé fixe des objectifs, mais il faut une confiance mutuelle. Il doit et de la prise de risques, qu’on ne peut se permettre que si expliquer à l’athlète pourquoi et comment il fonctionne. on se voit souvent et si on fait confiance à soi et aux autres. J’espère qu’on va bientôt débloquer le compteur. Quel est le comportement qui vous a le plus agacé durant votre parcours de coach ? Les gens qui font semblant, qui ne sont pas dans leur séance. Passion Mais quand on est direct, qu’on est fidèle au cheminementqu’on a décidé de suivre, il n’y a pas de raison que ce genreToujours sur le terrain de comportement se présente. Attention, des moments de découragement, ça ne me gêne pas. Être en difficulté, c’est z À 83 ans, le Corse, installé de longue date à côté de l’Insep, est louable. Ça veut dire qu’on s’accroche. encore tous les jours sur la piste. Responsable du relais 4x100 m mixte handisport, il entraîne en journée, dans le temple du sport français, les Comment êtes-vous en compétition ? Plutôt stressé ou sprinters debout de l’équipe de France Clavel Kayitaré (T42) et Mandy détendu ? François-Elie (T37), puis rejoint bénévolement le soir son groupe de Je stressais beaucoup au début, ce qui déclenchait des sprinters-hurdlers de l’Athletic Clubs 92. « C’est un collectif avec à la fois éruptions cutanées au niveau de mes bras. Être à la tête des valides et des handis, explique Jo Maïsetti. C’est l’expérience la plus d’un relais avec de grandes personnalités, c’était une telle enrichissante de ma carrière, tant humainement que sportivement. » responsabilité. Je me disais : « ils sont trop bons ! » Tout a WWW.ATHLE.FR 81