AVIS D’EXPERT Les entreprises doivent s’appuyer sur leurs « risk managers » pour leur réflexion stratégique Julien Auvray, directeur business risk services, Grant Thornton Il y a encore 20 ans, seuls quelques en fin d’année dernière auprès de plusieurs centaines groupes s’étaient enhardis à se lancer dans des de dirigeants, alors que le risque pesant sur le modèle démarches de cartographie des risques. La fin des économique et lié aux nouvelles technologies n’est, années 2000 a marqué un virage avec les évolutions lui, toujours pas identifié comme un élément majeur réglementaires pesant sur les sociétés cotées, notam- pour le panel interrogé(1). Dans le fond, c’est donc une mentpar le biais de la 8 directive européenne sur lee nouvelle culture qu’il faut impulser. rôle du comité d’audit dans la gestion des risques, qui a incité bon nombre de ces dernières à l’exercice. Mais AU-DELÀ DU RÔLE DE VIGIE pour la plupart, la démarche reste un exercice de pure Ce constat peut sembler assez trivial et pourtant il conformité, et très peu exploitent l’outil à son plein implique une révolution profonde dans la gouver- potentiel, faute d’une gouvernance efficiente. nance de l’entreprise. En effet, cela nécessite que le Un dispositif de gestion des risques est considéré « risk manager soit convié à la table des décideurs et comme « mature et efficace » dès lors qu’il permet éclaire les dirigeants sur toutes ces tendances. Dès d’identifier les éléments qui peuvent potentiellement DES INDICATEURS lors, la gestion des risques n’est plus un simple rouage empêcher un groupe d’atteindre ses objectifs. C’est un dans la mise en œuvre de la stratégie du groupe. Elle outil au service de la mise en œuvre de la stratégie. Il INNOVANTS devient partie intégrante de la réflexion stratégique peut même – au sein d’organisations plus avancées sur CAPABLES elle-même. Elle doit permettre aux instances diri- le sujet – permettre un pilotage dynamique via la mise D’APPRÉHENDER geantes de remettre en question les approches ou en place d’indicateurs pour suivre l’évolution du risque conceptions traditionnelles, de mieux interpréter la dans le temps. Face aux enjeux de non-conformité, le LES SIGNAUX dynamique de l’environnement concurrentiel dans nombre d’alertes éthiques est une illustration notable lequel l’organisation opère et in fine, d’identifier des nouvelles pratiques. De la même façon, le risque de DU CHANGEMENT de nouveaux risques à maîtriser mais surtout des destruction d’actifs peut être apprécié par le nombre » opportunités à saisir. de sinistres communiqués par les assureurs. Enfin, le Tout l’enjeu pour les entreprises est désormais niveau de vulnérabilité des systèmes d’information d’accompagner son risk manager vers une montée pourra quant à lui être basé sur le nombre d’attaques en puissance de ses fonctions et de ses prérogatives. cyber repoussées par les firewalls. Nous observons que les organisations les plus avan- Dans le contexte actuel, la priorité pour les entre- cées sur le sujet positionnent la gestion des risques prises est de s’assurer que la stratégie arrêtée à « l’ins- à des niveaux similaires aux directions financière, tant T » prenne bien en compte les risques à venir. La juridique ou des ressources humaines.Dès lors, mutation s’opère à un rythme effréné. L’accélération elles dotent « la fonction » des moyens nécessaires de l’innovation dans le secteur de l’industrie et des ser- pour faire en sorte qu’elle gagne en crédibilité et vices, le phénomène du big data, le développement de élargissent son champ d’action pour échanger avec l’hyper-information à travers les réseaux sociaux, les pertinence au plus haut niveau de l’organisation. évolutions des modes de consommation et les enjeux Fort de cette nouvelle approche, le risk manager environnementaux sont les tendances qui vont affecter pourra s’émanciper de son rôle de simple « vigie » toutes les entreprises, quels que soient leurs secteurs. Du pour contribuer à faire émerger un nouveau modèle jour au lendemain, des modèles économiques inédits enrichi d’indicateurs innovants capables d’appréhen- remettent en cause les industries les plus stables. Les der les signaux du changement, positifs ou négatifs, nouveaux acteurs de l’économie numérique, qui s’af- susceptibles de remettre en cause la vision établie. franchissent des circuits traditionnels mais également Pour aller Qu’on se le dise, la valeur ajoutée de la gestion des de la charge en capital dans les domaines de l’édition, plus loin : risques ne réside pas seulement dans la mise en de l’hôtellerie ou de l’automobile, en sont les témoins. Le Baromètre œuvre de la stratégie, mais bien aussi dans l’élabo- Pourtant, c’est toujours la vulnérabilité des systèmes gestion de crise ration de cette dernière. A d’information qui figure en tête des risques perçus sur la version comme « critiques », comme le rappelle leBaromètre digitale (1) www.agefi.fr/banque-assurance/actualites/quotidien/20190207/faille- gestion de crise, une étude de Grant Thornton menée de L’Agefi Hebdo informatique-est-percue-risque-majeur-dans-267392 DU 26 SEPTEMBRE AU 2 OCTOBRE 2019L’AGEFI HEBDO/ 29 RD