Depuis 2007, le mois de février est l’occasion de rappeler l’important apport des communautés noires à la société québécoise. Le génie profite aussi du savoir-faire et de la créativité des ingénieurs noirs du Québec. PLAN vous présente quelques-uns des nombreux ingénieurs noirs qui ont fait leur marque, ici et à l’étranger. Q. : M. Pierre, nous nous parlons pour souli- S. P. : Certainement. Alors que le Québec se gner le Mois de l’histoire des Noirs. L’utilisationconstruisait, de nombreux ingénieurs étaient du mot « Noir » vous gêne-t-elle ? recrutés à l’extérieur pour participer à ce développement. Plusieurs ingénieurs d’ori- Samuel Pierre : Les Noirs ne se représentent gine haïtienne ont connu d’excellentes car- pas par une couleur qui leur a été donnée rières au sein de firmes d’ingénierie ou par la nature. Moi, je suis ingénieur et profes- d’organisations québécoises. Depuis seurà Polytechnique Montréal et j’ai accédé quelques décennies, c’est plutôt le Québec à ceposte par mes coméptences et mes qui forme et exporte ses ingénieurs. Il fallait connaissances. agir pour préparer le terrain des suivants. C’est pourquoi j’ai cofondé, en 1982, l’Asso- Q. : Vous êtes né et vous avez grandi en Haïti. ciation des ingénieurs et scientifiques Pourquoi avoir choisi le Québec pour vos haïtiano-canadiens, l’AIHC. études en génie ? J’ai aussi édité, en 2007, le livre Ces Québécois S. P. : Je suis venu ici plutôt qu’en France venus d’Haïti pour montrer la contribution de parce que j’aime le côté pragmatique des la communauté haïtienne à l’édification du Nord-Américains. À mon arrivée en 1979, le Québec moderne. En faisant la recherche Québec avait déjà une tradition d’ingénieurs pour ce livre, je n’ai pas trouvé d’ingénieurs venus d’Haïti et d’Afrique. Cette tradition s’est noirs qui avaient fondé ici leur propre entre- perpétuée : en tant que professeur actif dans prise. En 2007, j’ai donc créé Le Groupe la formation d’étudiants à la maîtrise et au Geninov, la première firme de génie du doctorat à Polytechnique, je vois beaucoup Québec fondée par des Noirs. En principe, d’étudiants étrangers. les jeunes diplômés d’ici ont moins de diffi- culté à intégrer le marché du travail que ceux Au Laboratoire de recherche en qui viennent de l’étranger, mais il y a encore réseautique et informatique mobile, des progrès à faire. Geninov donne des stages à de jeunes futurs ingénieurs de toutes ori- dont je suis responsable, environ le gines, ce qui les aide à démarrer leur carrière. quart des étudiants sont originaires Q. : Geninov est-elle représentative d’un d’Afrique. À la fin de leurs études, 70 % mouvement ? d’entre eux choisissent de vivre ici. S. P. : Les gens de la communauté veulent maintenant créer leurs propres entreprises, et dans tous les domaines. Je sais qu’en 2012, Q. : Vous avez parlé d’une tradition d’ingé- le très doué ingénieur Frantz Saintellemy a nieurs noirs au Québec, dont les premiers cofondé le Groupe 3737, un des plus gros sont venus dans les années 1960. Voyez-vous incubateurs d’entreprises privées du Québec, une évolution dans leur contribution ? qui accueille des entrepreneurs d’origine • JANVIER-FÉVRIER 2019• 37