L’adoption ne se fait pas non plus au même rythme au sein de toutes les disciplines du génie. «Les ingénieurs en structure ne se posent plus la question, ils modélisent depuis des années», poursuit Érik A. Poirier. «C’est une deuxième nature, ils sont habitués à travailler avec des outils de conception 3D », confirme Geneviève Crête. «Le changement est plus radical pour le génie mécanique et électrique, mentionne Érik A. Poirier. On passe de représentations filaires à des conduites en 3D.» La difficulté vient aussi du séquençage des travaux, signale Geneviève Crête. Traditionnellement, les ingénieurs en mécanique commencent par indiquer le passage des conduits et précisent plus tard les dimensions, sans nécessairement modéliser le positionnement des conduits et des équipements, ni s’assurer de la coordination spatiale avec les autres composantes du bâtiment. « Quand le plombier Érik A. Poirier, vice-président arrive sur le chantier, il va trouver une façon d’installer ses du Groupe BIM du Québec tuyaux », décrit Geneviève Crête. Mais s’il y a un regroupement de conduits qui passent au même endroit, il faudra trouver UNE FORMATION LACUNAIRE une solution qui risque d’avoir des conséquences sur Ilfaut dire que, à l’exception du programme court en d’autres intervenants du projet. D’où l’avantage de modéliser modélisation des données du bâtiment donné à l’ÉTS, la l’ensemble en amont pour anticiper les problèmes et prendre formation que reçoivent les ingénieurs fait encore l’impasse le temps de déterminer la solution optimale. sur le BIM. «On considère que le BIM est un outil de dessin technique; donc, on l’enseigne dans les cégeps, alors que Les ingénieurs en mécanique, en électricité ou en plomberie c’est un processus de conception», déplore Daniel Forgues. qui adoptent la modélisation des données doivent appliquer ce processus tôt dans le projet au bénéfice de la conception Les ingénieurs formés au BIM et de la construction, sans toutefois en récolter eux-mêmes les fruits, souligne Érik A. Poirier. sont trop peu nombreux LE RISQUE DE RATER LE VIRAGE pour répondre aux besoins du Selon Daniel Forgues et Érik A. Poirier, les firmes d’ingénierie marché, estime-t-il en accord qui tardent à passer au BIM risquent de se faire doubler par les avec Geneviève Crête. entrepreneurs qui perçoivent mieux les enjeux et les avantages de maîtriser cette technologie. « On remarque une tendance Le Groupe BIM du Québec, qui dans les firmes d’ingénierie : elles transfèrent le travail de se présentecomme une conception à l’entrepreneur spécialisé », indique Daniel communauté de praticiens pour faire avancer le BIM au Forgues. « On voit des sous-traitants qui ont des ingénieurs Québec, est une porte d’entrée pour les ingénieurs qui à l’interne capables de détailler un système de ventilation ou voudraient s’initier à la modélisation des données de de protection incendie, observe pour sa part Érik A. Poirier. bâtiments ou renforcer leurs compétences dans ce domaine Dans les projets de conception-construction clés en main, et s’ouvrir aux autres technologiques numériques à l’œuvre la tendance est que les entrepreneurs généraux deviennent dans la construction. Car comme le disent Daniel Forgues et des maîtres d’œuvre, desquels relèvent les architectes et les Érik A. Poirier, le BIM, c’est la clé de voûte du virage numérique, ingénieurs au même titre que les sous-traitants. » qui englobe le suivi de chantier par drone, la traçabilité des matériaux par puces d’identification par radiofréquence (RFID), l’impression 3D… t • NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2018• 31