55. Georges BATAILLE. Manuscrit autographe, et L.A.S. d’envoi à Léon Bloy, Saint-Brieuc 24 septembre 1916 ; 7 pages in-4, et 3 pages in-8 (deuil). Précieux manuscrit d’un des tout premiers textes littéraires de Georges Bataille. Récit de l’agonie d’un roi, situé avant notre ère, avec référence au Livre de Sydrac, à la Bactriane et à un mystérieux sage nommé Sychar. Il commence ainsi : « La lumière, amie, est grise et nuageuse et vous gémissez aujourd’hui de vivre d’elle. Pourtant vous devriez plus de reconnaissance à cette bonne enchanteresse : j’avoue qu’elle a de la monotonie mais depuis qu’elle éveilla les yeux des hommes elle est riche de bien des amours ; et que puis-je, si vous n’en goûtez aujourd’hui que la pâleur et si vous souffrez d’une gloire si vaine et inutile ? M’étonnerai-je que celle qui depuis des siècles si nombreux suffit, en chaque jour, à la vie humaine, vous ait laissée, en ce dernier jour qu’elle nous donne, une si noire mélancholie ? »… Citons encore le dernier paragraphe : « Ce roi depuis longtemps vivait et méditait dans la solitude : il arriva que, sa mort étant prochaine, elle devint pour lui toute vérité sans plus rien d’autre. Il trainait son corps usé dans ses jardins, il se tordait les mains, il maudissait la lumière du jour. N’était-il pas cruel de voir celle qui avait baisé au front à chaque aurore passer un jour avec la faux. Encore s’il avait su ou fuir, ou protéger son corps courbé par l’âge. Mais la lumière avait le ciel et la terre à son royaume, de quoi le roi, par son ordre infame, était banni ». La lettre-dédicace à Léon Bloy est écrite « du poste de garde de la prison des boches, St Brieuc le 24 septembre 1916 ». Bataille dédie à Bloy ces pages « terminées, par une mystérieuse coïncidence, le jour et à l’heure de l’apparition de Notre Dame de la Salette. Je dois à la lecture, deux jours plus tard, de vos deux livres Celle qui pleure et Au seuil de l’Apocalypse la connaissance de ces dates identiques qui unissent le mystère de Reims et celui de la Salette. À vous, je dois la reconnaissance de tous ceux qui sont de bonne volonté et lisent vos livres ; et je prie pour vous Celle qui ne sourit plus sur cette terre, Notre Dame de Reims. Une guerre qui voudrait pleurer avec Notre Dame de la Salette »… 18 4 000 / 5 000 3