institutrice, militante féministe et socialiste, rédactrice de journaux féministes et animatrice d’associations ouvrières, réfugiée en Angleterre après le 2 décembre. L.A.s., Londres [fin juillet 1853], à Victor hugo ; 3 pages in-8 sur papier superfin ; en tête, hugo a inscrit un r montrant qu’il a répondu. Belle lettre féministe, après le discours de V. hugo sur la tombe de la chansonnière et militante Louise JuLIEN (1815-1853), le 26 juillet, rendant hommage à cette martyre du féminisme et de la cause républicaine. Elle dit son émotion devant les « sentiments élevés et généreux que vous avez manifestés sur la tombe de Louise Julien […], cette généreuse martyre si dévouée à la sainte cause de la vérité et de la Justice est heureuse d’avoir entendu la voix prophétique du grand poète annoncer que le 19e siècle proclamera le droit de la femme ». Elle rappelle l’action de son amie, avant de proclamer le droit et le devoir des femmes de veiller « sur l’avenir social de leurs enfants. Elles savent que la prévoyance de l’amour maternel est nécessaire pour les préserver de l’esclavage, de l’ignorance et de la misère morale et matérielle. […] elles doivent les diriger dans la voie providentielle du progrès pacifique vers la fraternité et l’harmonie universelle »… 400/500 € éditeur et écrivain. L.A.s. « Jh », [Bruxelles vers le 24 août 1854], à Victor hugo ; 4 pages in-8. sur la préparation de l’édition des Contemplationset le projet de départ de Victor hugo pour l’Es- pagne(après le retour au pouvoir du général Espartero, et une invitation de la Junte à hugo de venir s’installer à Madrid). Jules Janin lui a communiqué la lettre de V. hugo. « Je crois comme vous que pour ce qui est de la question d’épreuves, il n’y a pas grand inconvénient à ce que vous soyez partout ailleurs qu’à Jersey. Je comprends votre désir d’être en Espagne et de voir un peuple qui cherche sa voie, quand nous en voyons d’autres qui s’efforcent, après l’avoir perdue, de l’oublier. Allez donc en Espagne, mais allez-y en éclaireur d’abord et n’y faites pas un établissement trop définitif. Ce pays n’est qu’au commencement de son travail. Ceux qui vous appellent aujourd’hui peuvent être chassés demain, et les bras ouverts peuvent être remplacés par des bras fermés ! […] C’est un camp, c’est un clan qu’une famille comme la vôtre à déplacer et toutes Contemplationsà part, croyez-le bien, je pense qu’attendre la convocation des Cortes et leurs premières paroles et leurs premiers actes serait une chose sage, non pour l’homme politique ou le poète, mais pour le père de famille. Ceci dit l’éditeur s’arrangera de tout ce qui vous sera bon et meilleur ». Il annonce qu’Étienne Arago et Charras sont chassés de genève… « Veuillez nous faire savoir quandvous croyez pouvoir envoyer les Contemplations. Ce ne sera point un engagement, ce sera une réponse et une possibilité que vous m’indiquerez et qui peut me déterminer à hâter ou à ralentir certaines autres publications. Dites-moi aussi, si vous quittez Jersey, vers quelle époque vous le quitterez. Dites-moi enfin quel chemin vous croyez pouvoir prendre et faire prendre à nos épreuves, pour qu’elles aillent vous trou- ver en Espagne. L’Espagne, c’est moins loin, hélas, que la France »… 400/500 € « V. h. », Marine terrace [Jersey] 8 octobre [1853], à Édouard pLouVIEr ; 4 pages in-8 très remplies sur papier bleuté. très belle et longue lettre littéraire et politique. [Édouard pLouVIEr (1820-1876), ouvrier cor- royeur, s’était lancé dans le journalisme, avant de devenir auteur dramatique, poète et conteur ; il avait épousé la comédienne Lucie Mabire ; hugo répond ici à l’envoi de ses Contes pour les jours de pluie (Jules Dagneau, 1853), préfacés par george sand, et qui s’ouvrent sur Le Sphinx, dédié à Victor hugo.] « Vous m’avez écrit au printemps, je vous réponds à l’automne. Cher poëte, ce triste et froid été a eu tout le temps de pleurer entre nos deux lettres. Les jours de pluie n’ont pas manqué ; il semble quevous l’ayez deviné ; prévoyant que j’aurais cett e sombre traversée à faire, vous m’avez envoyé le viatique. Contes pour les jours de pluie ; je trouvais ce ttre charmant, et apès avoir lu quelqusi r e pages exquises, – bon ! Disais-je avec la joie du proscrit qui fait sa provision,voilà pour mon hiver. point du tout, c’était pour mon été. Merci, poëte. sans vous ce mai mouillé, ce juin trempé, ce juillet ruisselant, cet août grelottant eussent été bien tristes ; vous avez mêlé la poésie à la bise, le rayon aux brouillards et la rosée aux ondées. Je vous remercie de m’avoir dédié le Sphinx. C’est peut être la plus belle page de votre livre qui contient tant de belles pages. Il y a dans tous vos contesle style, la force, la grâce, l’esprit, le cœur, l’imagination ; il y a dans le Sphinx une grande portée sociale. Cet exilé volontaire qui s’en va de la vie, et qui se réfugie des hommes dans les flots, ce solitaire de l’infini m’a ému profondément. J’ai son âge, j’ai presque sa pensée ; il était le proscrit de sa volonté, je suis aussi un peu le proscrit de la mienne. si Bonaparte a cru que c’était son décret qui me chassait, il s’est trompé ; ce qui m’a chassé, c’est son infamie. Ce qui m’a banni, c’est le spectacle de honte que je n’aurais pu supporter. Ce n’est pas M. Bonaparte qui m’a dit : Va-t-en – c’est mon âme. J’ai lu votre lettre touchante. J’ai pensé à vous, généreux et charmant esprit, et à la noble artiste qui est votre femme ; quand je l’ai reçue, cette lettre, j’étais au bord de la mer, je rêvais, après l’avoir lue j’ai continué ma rêverie. seulement cette rêverie qui était amère, est devenue douce. – pourquoi est- ce que je vous réponds si tard ? oh ! Il faudrait pour expliquer cela vous conter toutes les heures de ma vie. La proscription est une sorte de perpétuel ajournement de tout. L’exil fait l’effet d’un abîme qu’on a autour de soi, et l’on hésite à jeter une lettre par-dessus cet abîme. Vous êtes donc là-bas quelques cœurs qui pensez à moi – merci –merci surtout de ne pas désespérer. Merci à vous tous qui gardez dans vos âmes l’idée sainte de l’avenir. songeons que l’éclipse actuelle masque le mystérieux agrandissement de l’astre. quand la révolution reparaîtra, la république ne sera plus la France, la république sera l’Europe. Ayons donc foi, et aimons-nous »… 1 500/ 2 000 €