JEAN SOUVERBIE : NÉO-CLASSIQUE À L’ÈRE MODERNE “[…] Parti du cubisme - mais du cubisme raisonnable, sans les exagérations désordonnées qui apparentent certains peintres d’extrême avant-garde à des décervelés - Souverbie a suivi l’évolution normale, logique, vers un réalisme d’inspiration classique.” Anonyme, ‘Beaux-arts. Nos artistes à Paris’, L’Echo de Paris, 25 octobre 1929, p. 9. Dernier enfant d’une famille aisée de Boulogne-Billancourt, Jean Souverbie grandit entre Versailles et Saint-Germain-en-Laye dans un environnement protégé, conséquences de sa santé fragile. Solitaire, le jeune Souverbie commence à peindre dès ses 10 ans, et ne quittera plus ses pinceaux jusqu’à sa mort en 1981. Il se forme auprès du peintre académique Jean-Paul Laurens à l’académie Julian, mais c’est surtout auprès de Maurice Denis, rencontré en 1908, que le jeune peintre trouve son mentor. Il commence à côtoyer le cercle déjà fameux des peintres nabis - Bonnard, Sérusier, Vuillard, Vallotton - à travers l’Académie Ranson, où Souverbie étudie de 1916 à 1918. Il y acquiert, selon les mots du critique Raymndo Cognat, “le goût d’une extrême sobriété, d’une palette raffinée et restreinte, le refus des contrastes violents, une prédilection pour les accords en sourdine” (cité inJean Souverbie, ed. galerie J.-C. de Chaudun, Paris, 1959, p. 199). Les influences de Souverbie s’affirment progressivement au début des années 1920, avec pour fil conducteur le classicisme: mythologie et art gréco-romain, peinture de la Renaissance primitive italienne (Masaccio, Giotto), Botticelli, Vélasquez, Poussin, Ingres (que Souverbie appelle respectueusement monsieur Ingres). Toujours à l’Académie Ranson, Souverbie développe son intérêt pour le cubisme à travers l’enseignement du peintre brésilien Pedro Luiz Correia de Araújo, qui amène Souverbie vers une synthèse assagie de Cézanne, tout en conservant une ligne classique très prononcée, héritée du goût de Souverbie pour l’art classique. L’artiste découvre également le travail de Picasso, Gris et surtout Braque, auquel Souverbie sera souvent comparé et a qui il loue une admiration indéfectible. En 1927, l’année où est peintLes baigneuses, Jean Souverbie connaîtses premiers succès critiques et commerciaux. Il est représenté depuis 1925 par la galerie Vavin-Raspail, et en 1926 bénéficie de sa première exposition personnelle importante. En 1928, Souverbie signe avec la prestigieuse galerie Bernheim-Jeune. C’est également durant ces années que l’artiste rencontre Picasso, avec qui il devient ami. Souverbie réalise ses premières larges compositions typiques de la mouvance du Retour à l’ordre, que Les baigneuses incarnent parfaitement à travers son classicisme réinterprété: malgré un traitement cubiste synthétique à la pointe de l’avant-garde, le sujet atemporel de la nymphe drapée renvoie à la sculpture antique, la composition frontale en frise rappelle l’art néo-classique au XVIII siècle, et les larges dimensionse respectent les codes traditionnellement réservé à la peinture d’Histoire. Ainsi, Souverbie s’affirme comme un innovateur du néo-classicisme à l’ère de la modernité.