Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans cette aventure et comment avez-vous appréhendé les notions d’éco-conception… à cette époque ? Charles Saade « Ma participation s’est faite dans le cadre de ma formation à LISAA. Il y avait un partenariat avec le concours, et si nos projets scolaires étaient intéressants, nous pouvions postuler... Le sujet de mon projet - la prévention des déchets textiles - me parlait déjà beaucoup. Ce projet a été l’un des premiers où j’ai abordé ces sujets d’éco-conception. C’était une approche que je ne connaissais pas et qui m’a semblé très enrichissante. Cela m’a permis de me faire la main sur les notions d’éco-conception. » Erika Cupit « J’ai participé à l’édition 2016, qui était axée sur la prévention et la valorisation des biodéchets avec mon projet Glean Compost.... Le concours m’a attirée car il nous laissait la liberté de porter le projet comme on le souhaitait, notamment sur le terrain. J’ai eu le plaisir de me mettre à la place des usagers, de faire des entretiens et des interviews. C’était une première approche de la co-conception, sans forcément en connaître le terme, mais cela faisait déjà sens pour moi… L’accompagnement du concours était déjà très présent, avec l’idée que les projets puissent être développés par la suite. » Léna Moreau « J’étais étudiante à l’ENSAAMA Olivier de Serres puis à l’École Boulle. Ma participation avec le projet Gyre Normand, c’était en 2018, sur les déchets en milieu urbain. Le concours correspondait à la problématique de mon projet de diplôme de BTS, qui portait déjà sur le recyclage du polyéthylène et le milieu portuaire. J’ai donc repris et retravaillé ce projet pour le concours. Concernant l’éco-conception, je ne sais pas si ça venait de l’école, mais mon projet de diplôme était axé sur le recyclage. En y repensant, mon projet était assez naïf. Mais je pense qu’un concours étudiant, c’est justement l’opportunité d’imaginer, de se lancer… » Comment cette participation au concours a-t-elle influencé votre parcours professionnel ; votre approche du design et votre métier actuel ? Erika Cupit « Pour moi, le concours a été un révélateur dans mon approche du design. L’expérience de terrain et de co-conception avec les usagers, bien que nouvelle, m’a beaucoup plu. Le fait que le concours valide cette démarche a soutenu mon choix de poursuivre mes études dans cette voie, celle de l’expérience utilisateur. J’ai pu valoriser mon engagement, renforcer mes convictions… Aujourd’hui, je suis designer social. Je travaille pour le secteur public. Je ressens une acculturation croissante de l’éco-conception et des enjeux écologiques dans différents domaines, ce qui favorise de meilleures synergies. » Léna Moreau « Participer au concours m’a donné confiance pour affirmer et défendre mes idées... C’est un excellent entraînement pour les oraux ! Mes projets d’étudiante (un camion de recyclage mobile, un objet multifonction pour un club de basket, une épicerie ambulante..) avaient sou- vent une dimension nomade et colorée, ce qui est devenu un peu ma « patte »… Après mes études, au gré de différentes rencontres, je suis devenue cheffe décoratrice dans l’audiovisuel. Dans ce mé- tier, l’éco-conception est très centrale, peut-être même plus que dans mon expérience du design produit. Le budget restreint pousse à la seconde main. Mon réflexe est d’arpenter les ressourceries car on a besoin d’objets qui ont déjà vécu. Après un tournage, les décors ne sont pas jetés : tout est séparé, et les matériaux ou objets sont remis dans les filières (ressourceries, réserve des arts…). » Charles Saade « Cette expérience a été très mar- quante ! Le fait de garder le projet Felto en paral- lèle de mes études m’a nourri et m’a conduit vers une approche plus professionnalisante, moins déconnectée du réel. Cela m’a donné envie de proposer de nouveaux usages et des alternatives à nos pratiques actuelles plus polluantes. Mon in- térêt pour l’éco-conception m’a mené à un Master spécialisé en biomimétisme, l’étude du vivant pour innover durablement… Aujourd’hui, dans notre agence d’architecture d’intérieur et design, nous essayons d’intégrer l’éco-conception. Nous faisons une veille sur les matériaux innovants, recyclés ou naturels…et privilégions les matériaux pérennes et naturels dans nos créations, en cherchant l’intem- poralité. C’est un arbitrage constant avec la réalité économique. » En ayant été tour à tour candidats puis membres du jury, quel regard portez-vous sur l’évolution du concours (notamment avec l’ajout de la catégorie « Projet ») et sur la manière dont les jeunes générations abordent aujourd’hui les questions d’éco-conception ? Léna Moreau « Je pense que le monde - et les outils ! - ont beaucoup changé depuis ma participation… Les jeunes étudiants ont accès à des outils incroyables, notamment pour les études de marché ou le rendu. À 18-20 ans, je n’aurais pas été capable de faire une étude de marché pertinente pour un concours… Le fait d’avoir deux catégories permet de s’adresser à des niveaux de maturité différents, et de repérer plus de talents. Les jeunes générations sont plus sensibilisées à l’éco-conception : c’est devenu la norme. » Charles Saade « C’est difficile de juger directement car je n’ai pas de lien régulier avec les étudiants actuels. Lors de ma participation au jury en 2021, j’avais trouvé le thème complexe, mais les étudiants s’en étaient très bien sortis, avec des idées innovantes et pertinentes sur la question de l’hébergement touristique. Je trouve que la liberté de penser et de créer qu’ont les étudiants est très précieuse, car on a moins l’occasion de le faire dans le milieu professionnel. Le fait que le concours encourage cela est une bonne chose. L’évolution du concours avec la division en « concours d’idées » et « concours de projets », qui pousse à la concrétisation et aux études de marché, me semble intéressante. Le mix des profils dans le jury, entre professionnels, partenaires et anciens lauréats, est très riche et permet des visions différentes. » Erika Cupit « L’évolution du concours, avec les deux catégories, c’est intéressant... La catégorie « Idées » permet de travailler sur la génération d’idées, tandis que la catégorie « Projets » pousse à la formalisation. Pour les étudiants les plus juniors, il peut être difficile de mettre en œuvre techniquement ou de réaliser des études de mar- ché pertinentes. L’avantage des projets, c’est qu’ils offrent une première formalisation qui aide à guider les partenaires pour un développement potentiel. J’ai constaté que l’accompagnement du concours s’est beaucoup étoffé ces dernières années, avec plus de séminaires et de sessions de suivi offrant de multiples regards d’experts. J’ai aussi observé une évolution dans l’approche des écoles, qui intègrent mieux l’éco-conception. Cela permet aux étudiants de développer leur fibre « engagée »… Je trouve qu’aujourd’hui, il y a un meilleur équilibre entre l’usage pertinent et l’esthétique recherchée. »