LE MONDE DE L’ART I ANALYSE Les douces rêveries d’Hubert Robert La très belle rétrospective que la galerie Coatalem consacre au peintre le plus aimable du XVIIIesiècleest l’occasion de s’arrêter sur cette personnalité atypique. PAR CAROLE BLUMENFELD Jamais publié ni exposé, cet escaliermonumental est aussi mystérieux queles personnages qui l’animent. Tout auplus sait-on qu’il provient d’un ensem-tion d’escalier. Par l’harmonie des couleurs, parla suavité de sa touche ou par ce mariage déli-cat entre l’architecture et les figures qui l’ani-ment, un «bon» Hubert Robert produit unseries qui habillaient autrefois les grands inté-rieurs, il peignit avec une aisance et une poésiequi n’appartenaient qu’à lui tout ce que sa viveimagination lui offrait. ble de six panneaux autrefois conservés dans effet unique, mais on ne peut que deviner les Cet être doué pour le bonheur donnerait à qui- un hôtel particulier du 7 arrondissement pari-e sensations produites sur ses contemporains. conque le désir de participer au tintamarre des sien. Mais il n’est pas près de révéler les secretsJoseph Baillio, à la suite de Pierre de Nolhac,joyeux personnages dans la galerie en ruine, de de son histoire, et encore moins le nom de son insiste sur la notion de «tableaux de place», converser avec le couple de promeneurs qui commanditaire. Un seul des autres éléments de aux décors destinés à s’harmoniser avec la déambulent autour de la colonne Trajane ou ce décor, une Forteresse dominantune cascdae claire ornementation des appartements d’alors de marquer un temps de repos avec la jeune dans un paysage animé de promeneurs – passée et à jouer leur rôle de fenêtres idéales ouvertesmère, cachée derrière ces blocs de pierre aux en vente chez Piasa en 2008 –, a été identifié parsur la nature. Douces rêveries. hiéroglyphes indéchiffrables. Certaines figures Sarah Catala : les quatre autres se cachent «De tous les artistes que j’ai connus, toujours d’Hubert Robert vous marquent pour toujours, encore quelque part en Gaule. Jolies pro- selon Madame Le Brun, Robert était le plus comme le protagoniste de L’Accident (Paris, messes de découvertes… répandu dans le monde, que du reste il aimait musée Cognacq-Jay) ou le bébé de La Lingère Élisabeth Vigée Le Brun, sa chère amie, avait beaucoup. Amateur de tous les plaisirs, sans en (Williamstown, Clark Art Institute). La pay- mis en garde : «Il était de mode, et très magni- excepter celui de la table, il était recherché sanne et l’enfant qui gravissent consciencieuse- fique, de faire peindre son salon par Robert ; généralement, et je ne crois pas qu’il dînât chezment cet escalier vertigineux sont de la même aussi le nombre des tableaux qu’il a laissés est-illui trois fois dans l’année. Spectacles, bals, trempe, et l’on partage l’allégresse de ce bam- vraiment prodigieux. Il s’en faut bien, à la repas, concerts, parties de campagne, rien bin qui ne doit pas être peu fier de lui. < vérité, que tous soient de la même beauté ; n’était refusé par lui ; car tout le t pq’ Robert avait cette extrême facilité qu’on peut n’employait point au travail, il le passait à à voir appeler heureuse, qu’on peut appeler fatale : il s’amuser. Il avait de l’esprit naturel, beaucoup peignait un tableau aussi vite qu’il écrivait uned’instruction, sans aucune pédanterie, et l’inta- «Hubert Robert, de Rome à Paris», lettre ; mais quand il voulait captiver cette faci-rissable gaieté de son caractère le rendait galerie Éric Coatalem, 136, rue du lité, ses ouvrages étaient souvent parfaits. On l’homme le plus aimable qu’on pût voir en en connaît de lui qui font très bien pendant à société.» Par une heureuse coïncidence, Faubourg- Saint-Honoré, Paris VIII ,e ceux de Vernet.» En voilà donc un ! Et qui plus Hubert Robert est aussi l’artiste qui a le plus tél. : 01 42 66 17 17, www.coatalem.com est, la plus grande version connue de composi- enveloppé ce monde. En lieu et place des tapis- Jusqu’au 3 juillet 2021. 230 LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS