LE MONDE DE L’ART I EXPOSITIONS Les Flandrin ou la fraternité artistique Pour sa réouverture, le musée des beaux-arts de Lyon offre une exposition galvanisante, émaillée de découvertes et de surprises. L’occasion unique de pénétrer au cœur du processus créatif collaboratif de trois frères, artistes et complices au XIX siècle.e Qu’évoque aujourd’hui le nom deFlandrin ? D’aucuns penserontau décor de l’église Saint-Ger-collections privées et n’ont encore jamais étémontrés. Remarquable aussi, la projectionimmersive du décor de l’église Saint-Ger-Autre grande réussite : l’accrochage théma-tique, qui fait ressortir toute la diversité del’œuvre des Flandrin, dont certains aspects main-des-Prés à Paris, ou à celui main-des-Prés, qui permet d’apprécier totalement méconnus, tels les paysages d’Au- de la basilique d’Ainay, à Lyon. Ou encore au comme jamais certains détails. guste et Hippolyte, ou la série de femmes las- Jeune homme nu assis sur un rocher du Lou- Le premier grand mérite de l’exposition est cives et énigmatiques du second. Chacun vre, devenu une icône, même si l’on n’en de faire entrer le visiteur dans l’intimité des avec ses centres d’intérêt, ses prédispositions connaît toujours pas l’auteur. Grand bien a frères Flandrin. Y sont évoquées l’affection et et ses affinités électives : Auguste sera le por- donc pris au musée des beaux-arts de faire la complicité qui les ont liés, et leur manière traitiste de la bourgeoisie lyonnaise, Paul un (re)découvrir l’art d’Hippolyte Flandrin – qui collaborative de travailler. Car ces trois-là, paysagiste zélé et Hippolyte un protagoniste fut un peintre célèbre et célébré en son Auguste, Hippolyte et Paul (par ordre du renouveau du décor monumental. temps – et de ses deux frères, Paul et Auguste. de naissance), n’ont cessé de s’épauler et de C’est donc une image complète et complexe Véritables self-made men tombés dans l’oubli s’encourager, de se représenter et de créer des Flandrin que propose le musée des beaux- à l’aube du XX siècle, victimes collatéralese ensemble. Dès leur formation en trois temps – arts. L’immersion dans leur quotidien et dans de la dépréciation de l’art académique. L’une Lyon-Paris-Rome – et tout au long de leur leur processus créatif collectif permet de saisir des nombreuses vertus de l’exposition est de carrière. À en croire Elena Marchetti, l’autre les trois frères comme des hommes de leur montrer qu’on ne peut les cantonner à ce commissaire de la rétrospective, « leurs por- temps, en phase avec le bouillonnement créa- mouvement. traits mutuels et autoportraits apparaissent tif du XIX siècle. Aquarellistes chevronnés,e Point d’aboutissement de longues recherches comme une clé pour découvrir le lien qui les ils se passionnent aussi pour la photographie et de découvertes récentes, elle offre une per- unit et pour comprendre les équilibres et les naissante, dont ils savent tirer le meilleur ception totalement renouvelée de l’art des dynamiques de ce triumvirat artistique très parti. Très loin donc des clichés sur l’art aca- Flandrin. Stéphane Paccoud, l’un des deux particulier ». Au-delà de la fratrie, ce fonc- démique et la peinture d’histoire compassée ! commissaires, souligne « la chance d’avoir tionnement collaboratif, basé sur l’affect, vautARMELLE FÉMELAT accès à une documentation très complète pour l’ensemble de leur entourage artistique : grâce à des archives en grande partie toujours d’Ingres, figure tutélaire de « père artistique »,« Hippolyte, Paul, Auguste : les Flandrin, conservées dans la famille. Une famille aux proches collaborateurs et élèves du « cer- artistes et frères », musée des beaux-arts, d’artistes, très généreuse ». Fait rarissime, lacle Flandrin » qui assureront la postérité, à 20, place des Terreaux, Lyon (69), moitié des quelque 300 peintures, dessins l’instar du Lyonnais Louis Janmot, qui tél. : 04 72 10 17 40, www.mba-lyon.fr et photographies présentés proviennent de ouvrira un atelier où étudiera Edgar Degas. Jusqu’au 5 septembre 2021. LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2020 215 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS