LE MONDE DE L’ART I LOIS Les nouvelles formes de la photographie et le droit L’intégration sur le marché de l’art de la photographie est aujourd’hui claire et incontestable, mais quid de ses formes les plus récentes et des conséquences juridiques qu’elles induisent ? PAR SARA BYSTRÖM Moyen d’expression par défini- appartenance au domaine de l’art. D’autres n’y graphes pour les techniques anciennes. tion évolutif, la photographie ont vu qu’une technique et les débats ont été Le développement est souvent effectué par semble détenir des capacités nombreux. Dans le prétoire, l’enjeu juridique a des « tireurs », dont le savoir-faire, l’œil et la d’adaptation et de plasticité toujours été de taille puisqu’une reconnais- sensibilité ont une incidence sur la qualité du exceptionnelles, à la fois dans le temps et dans sance en tant qu’œuvre procure d’importantes tirage. Preuve de leur importance, ces compé- l’espace. Ce procédé d’«écriture de la lumière prérogatives économiques. tences photographiques sont dorénavant à l’aide d’un outil technique» – tirant son En 1982, le fameux procès Mayer & Pierson mises en valeur et transmises à travers des nom du grec phôs, phôtós(«lumière») et gra- marque le début d’une protection juridique projets tels que celui initié au Collège interna- phein («tracer») – a en effet une histoire par la jurisprudence, certes incertaine. La loi tional de photographie du Grand Paris, en riche, complexe et fascinante. Sa présence sur de 1985 pose les débuts d’une évolution en cours d’installation dans la demeure de le marché de l’art et son appréhension par le protégeant la photographie qualifiée d’ «artis- Daguerre, à Bry-sur-Marne. droit semblent aujourd’hui acquises. Forte de tique» ou de «documentaire». Auparavant, L’arrivée, dans les années 2000, de la photo- ses particularités, la photographie continue celle du 11 mars 1957 avait permis aux graphie numérique, permettant une prise de cependant à interroger les limites, frontières «œuvres photographiques ainsi qu’à celles vue et un travail de postproduction dans un et compréhension des mondes et des acteurs réalisées à l’aide de techniques analogues» environnement entièrement digital, offre une avec lesquels elle entre en interaction. d’intégrer la catégorie des œuvres de l’esprit adaptation facile au marché de l’art. De nom- La distinction encore parfois opérée entre les protégées par le droit d’auteur. breuses photographies numériques impri- arts «majeurs», les beaux-arts, et ceux dits Pourtant, l’aspect créatif de l’intervention du mées sur toile y circulent ainsi, notamment «mineurs», souvent décoratifs ou fonction- photographe dans la prise de vue continue sur le segment de l’art contemporain, aux nels, a notamment créé un clivage entre régulièrement d’être mis en cause. côtés des tirages papiers traditionnels. œuvre et objet d’art. La photographie, elle, a Qu’elle soit créée et/ou travaillée de façon toujours été considérée comme un cas à part. Tendances contemporaines analogique ou numérique, la photographie Initialement regardée comme un outil de repro- La photographie analogique, créée avec un classique coexiste depuis quelque temps avec duction, elle a tardé à être acceptée comme appareil photo mécanique et dont le dévelop- d’autres formes d’expressions du médium moyen d’expression artistique, malgré l’intérêt pement se fait à l’abri de la lumière à l’aide dedont on constate l’émergence forte. qu’elle suscitait chez certains peintres, contem-liquides révélateurs, dévoile l’image sur un porains de son apparition et convaincus de son support matériel. Peut-être en réaction au Plasticité de la photographie tout-numérique, on constate depuis quelques L’extrême adaptabilité de la photographie Les propos publiés dans ces pages n’engagent que leurs auteurs.années un fort regain d’intérêt des photo-lui permet d’avoir toujours été présente dans 210 LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS