LE MONDE DE L’ART I RENCONTRE Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis (1864-1942), Les Grappes de raisins, vers 1930, huile sur toile, 146 x 114 cm (détail). COLLECTION PARTICULIÈRE : JEAN-ALEX BRUNELLE Nd’autres s’en passent très bien. Pal Project, par exemple, répond à un business model réfléchi, il a vocation à devenir un incubateur de la future branche contemporaine de la galerie Dina Vierny. Nous nous sommes ins- pirés de la Castelli Warehouse : un espace de liberté destiné à l’expérimentation des artistes, dont certains sont ensuite entrés dans le giron de la galerie Léo Castelli, comme Eva Hesse ou Richard Serra… On cherche aussi à avoir une communication moins insti- tutionnelle, un peu décalée. À l’occasion de l’inauguration de Pal Project, on pouvait découvrir Joe Biden en train de lire un Pal Mag, le magazine de l’exposition… Le 12 juin prochain, on vendra au gramme, à 100 € le sachet, des œuvres réduites à l’état de pous- sière, en collaboration avec deux commis- Dina Vierny, assise saires du Wonder, un artist-run space de Cli- à son bureau en 1949. chy. On navigue ainsi entre deux univers, DR dans lesquels nous nous sentons tout aussi à l’aise. À l’exception d’une participation à Art choses. Prenez l’exemple de Séraphine, sa que des artistes comme Soulages. Je suis assez Paris en 2018, vous avez été très discrets cote a nettement augmenté en dix ans : pour d’accord avec ce que disait le collectionneur sur les foires ces quinze dernières années… s’offrir désormais une très belle œuvre, il faut et marchand Daniel Cordier à ce propos, Tentés par Ex.Paris ? compter plusieurs centaines de milliers d’eu- quand il parlait de l’insuccès des artistes fran- P.L. Le ralentissement de notre activité est ros ; même chose pour Camille Bombois. çais aux États-Unis. La raison selon lui, outre dû au fait que le musée Maillol a demandé le coût de transport, est que les Américains une énergie considérable. Or, notre grand- Vous venez justement d’inaugurer aiment les grands formats habités d’une cer- mère était présente lors des premières édi- le premier solo show de Séraphine taine brutalité, et trouvent l’art français trop tions d’Art Basel. Nous souhaitons revenir à lagalerie… délicat. Outre-Atlantique, les collectionneurs dans la course, en sélectionnant les foires les A. L. Nous profitons de la publication du cata- connaissent mal le peintre et comprennent plus appropriées. On pense à Frieze Masters, logue raisonné par Pierre Guénégan, qui difficilement qu’un artiste jugé « important » où l’on pourrait présenter un focus sur un recense 114 numéros, soit une production très en Europe ait des prix si bas. Nous avons en artiste à « redécouvrir » comme Robert Cou- restreinte. Nous exposons un sixième de ce projet d’organiser une exposition « Poliakoff turier, au Salon du dessin, à la Brafa ; et pour- corpus. Il s’agit d’un bel ensemble provenant et le monochrome » qui montrera ses quoi ne pas refaire quelque chose avec la du fonds de la galerie et de collectionneurs pri- recherches, résolument audacieuses et FIAC… ou participer à Ex.Paris si les pre- vés. Trois œuvres sont à vendre, ce qui est contemporaines, sur le travail de Klein ou de mières éditions nous convainquent. exceptionnel, la plupart des pièces se trouvant Reinhardt. On pense que la reconnaissance dans des collections inamovibles ou dans les de nos artistes passe aussi par cette moderni- Certains de vos artistes, comme Rimbert musées, et beaucoup ayant été perdues. La sation du regard. ou Vivin, restent très confidentiels grande période de Séraphine se situe entre surle marché… 1927 et 1930, avant que Wilhelm Uhde ne Comptez-vous développer vos relations A.L. Vous faites référence aux « primitifs cesse de la soutenir et qu’elle ne sombre dans avec l’étranger ? modernes », qui ont été regroupés sous cette la folie. C’est une peintre qui réussit à séduire P.L. Oui ! Pour l’instant, notre clientèle est appellation par le marchand Wilhelm Uhde, un public plus large que celui de l’art naïf. principalement française, à part quelques lequel a organisé la première exposition du grands collectionneurs internationaux de Douanier Rousseau. Notre grand-mère avait On raconte que lors de l’exposition Maillol. On travaille par exemple sur une repris cet héritage en représentant ces artistes de Poliakoff à la galerie, en 1951, aucune exposition qui sera consacrée à Dina Vierny de manière permanente. Ce n’est peut-être œuvre n’a été vendue. Qu’en est-il chez Marianne Rosenberg à New York, la pas l’esthétique la plus recherchée aujourd’hui ? petite-fille du marchand Paul Rosenberg. Il y a aujourd’hui, mais je crois qu’il suffit de faire A.L. Il manque un petit quelque chose à encore beaucoup à faire dans ce domaine. < un bon travail de promotion pour changer les Poliakoff pour accéder à la même notoriété LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2021 209 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS