LE MONDE DE L’ART I RENCONTRE Alexandre et Pierre Lorquin, la galerie Dina Vierny en héritage Leur réserve dissimule avec peine une ambition aiguisée aux grandes écoles. À 25 et 27 ans, les petits-fils de lagaleriste d’après-guerre, muse de Maillol,reprennent la direction de l’aînée des enseignes de Saint-Germain-des-Prés. PAR CÉLINE PIETTRE Quel souvenir gardez-vous Votre père, Olivier Lorquin, dirigeait Frank Horvat. Nous avons décidé d’arrêter de votre grand-mère, Dina Vierny ? la galerie depuis les années 1980. de travailler avec eux pour intégrer progressi- Alexandre Lorquin. Nous étions très proches. Pourquoi ce passage de relais aujourd’hui ? vement de nouveaux artistes, mais toujours Notre grand-mère désirait partager avec nous Pierre Lorquin. C’était presque une évidence. en respectant la période d’origine. Nous sa passion pour les objets. Elle m’avait offert Quand il nous a proposé de reprendre les devions par ailleurs nous moderniser, et cela un petit chien anthropomorphe issu de sa col- rênes, nous avons sauté sur l’occasion. Tout passait par une digitalisation des stocks et une lection de poupées et d’automates, certaine- s’est accéléré avec le confinement, qui a été refonte du site Internet. ment l’une des plus importantes au monde, et une période très studieuse. Il nous fallait défi-A. L. Actuellement, nous nous concentrons que l’on a dû vendre pour financer le musée nir la programmation, recruter une nouvelle notamment sur la peintre polonaise Judit Maillol. Après m’avoir montré comment il équipe et mener des travaux de restauration Reigl – décédée en 2020, à 97 ans, ndlr –, qui fonctionnait, elle l’a rangé dans une pièce fer- dans notre espace historique de la rue Jacob. n’avait plus de galerie attitrée, même si l’on mée à clé… Cela vous donne une idée du rap- Nous y avons notamment réhabilité l’étage, peut la retrouver chez Berès ou Laurentin. port viscéral qu’elle entretenait avec les où vivait notre grand-mère, en salon de récep- Notre objectif est de créer un écosystème objets. Elle possédait ainsi plus de quatre- tion, où se reconnaissent les codes de l’archi- solide autour de son travail par la constitution vingts collections : moutardiers, cannes, clés tecture de rapport de Saint-Germain, avec un d’un stock, des partenariats à l’étranger et la de serrure… et bien entendu, tableaux. Il y en entresol très bas de plafond. Nous avons éga- réalisation de catalogues. Cette exigence avait du sol au plafond ! lement tenté de retrouver l’esthétique d’ori- scientifique est notre ambition première : pro- gine de la galerie dessinée par Auguste Per- poser des expositions de qualité muséale, et Avez-vous hérité de cette « collectionnite », ret, de l'éclairage au sol en fibre végétale. Ennon de simples accrochages. qui a également touché votre père ? parallèle, nous avons créé une galerie d’art A. L. Nous avons commencé à collectionner contemporain : Pal Project. Vous formez un duo économie/art. très jeunes. Aujourd’hui, nous achetons Un tel pragmatisme est-il forcément ensemble de l’art moderne et contemporain : Quels changements souhaitez-vous de mise de nos jours ? Maillol, Edgar Sarin ou Nuvolo – un artiste insuffler ? A. L. Pierre a en effet étudié l'économie et le italien encore confidentiel dont nous avons P. L. L’idée est de se reconcentrer sur l’iden- management, et pour ma part, j’ai tout fait récemment acquis une très belle toile de 1955 tité d’origine de la galerie, la période allant depour être marchand. À 15 ans, j’étais le plus à Drouot –, mais aussi du mobilier XX oue l’impressionnisme au post-war, dont nous jeune auditeur libre de l’École du Louvre ! des images d’Épinal. Le même éclectisme a nous étions un peu écartés. Notre père avait Cette double casquette nous permet de voir perduré. inclus notamment des photographes, tel les choses un peu différemment, même si N 206 LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2021 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS