ART & ENCHÈRES I ÉVÉNEMENT Nl’aquarelle Scène de rue,annoncée à 3 000/5 000 €, de même que Maurice de Vla- minck avec une toile peinte en 1908 – dans sa pleine période fauve –, Péniches sur la Seine, à envisager à 80 000/100 000 €. Pierre Maurs a également consacré une grande partie de sa vie à la valorisation de l’œuvre d’Émile Othon Friesz. À la mort de ce dernier, en 1949, et avec l’accord et le soutien de sa veuve, il a fondé le Comité Othon Friesz et commencé un long travail de référencement. Le Havrais le séduit de par sa capacité à s’être créé un style très personnel, qui a su évoluer. Passé par l’atelier de Gustave Moreau, Friesz a exposé en 1905 dans une salle à côté de celle des fameux fauves. Ce n’est que l’année sui- vante, durant l’été passé en compagnie de Georges Braque à Anvers, qu’il va véritable- ment adopter leur manière, dont rend compte avec virtuosité le Port d’Anvers Paul Signac (1863-1935), Voiliers à Saint-Tro 06, aquarelle sur traits de fusain, (80 000/120 000 €). Une œuvre, proche de pez, 19 celle de Braque conservée au musée des signée au crayon de papier, datée et située, 24,5 x 39,5 cm (à vue). Estimation : 15 000/20 000 € Beaux-Arts du Canada à Ottawa, dont émane une grande luminosité grâce à la touche colorée, déposée avec une légèreté style pour revenir à des compositions plus Pierre Maurs, les impressionnistes. Le Pont laissant transparaître le fond blanc de la toile. ordonnées et une palette restreinte, dont de Neuilly, une toile de 1905 peinte par un Les tableaux de cette période anversoise sont témoigne Le Jardin d’Éden estimé 60 000/ Albert Gleizes âgé de 24 ans, en est un bel particulièrement prisés des amateurs. Pour 80 000 € – une huile sur papier préparatoire à écho (4 000/6 000 €), tandis qu’Armand Guil- cause, Friesz, suite à sa découverte de l’art de L’Âge d’or conservé au musée d’Art laumin, avec Damiette, les gerbes de blé, en Paul Cézanne dès 1907, se détournera de ce moderne de la Ville de Paris. Autre cible de offre une vision haute en couleur (20 000/ 3 questions à Éric Lecoeur docteur en histoire de l’art et des civilisations Quand avez-vous fait la connaissance Quel était son caractère ? Vers quels artistes allait sa préférence ? de Pierre Maurs ? C’était un homme très discret. Il parlait Pierre a été séduit immédiatement par le Pierre et Viviane m’ont accueilli chez eux peu de lui, ne se mettait jamais en avant. fauvisme, l’expressionnisme à la française en quand j’étais étudiant en histoire de l’art, Il n’évoquait ainsi que très rarement ses quelque sorte. C’est une palette qui change, entre 1981 et 1985. Rouennais d’origine, exploits aux côtés du commandant un style nouveau. Mais dans sa collection, il je trouvai dans leur appartement parisien de Cousteau, seulement avec ses enfants y avait également des tableaux l’avenue Franklin-Roosevelt, un ancien autour de la piscine. De même, il a hébergé impressionnistes et modernes des années atelier de peintre au dernier étage, bien plus une famille juive durant la guerre dans son 1930-1940. Son métier de courtier était basé qu’un point de chute. Comme j’étais appartement parisien, prenant là un risque sur des œuvres reconnues, mais aussi en passionné par la situation artistique, Pierre important. Mais Pierre était d’une grande devenir. Toujours, il essayait d’anticiper a éveillé en moi une écoute attentive. bienveillance. En tant que collectionneur et l'intérêt des collectionneurs et du public. Je ne connaissais pas bien le milieu des marchand, il avait un regard extraordinaire. L’important pour lui était le rapport à galeries et il m’a initié à ce monde. Il y avait Quand on entrait chez les Maurs, on vivait l’œuvre. Il la regardait, éprouvait une beaucoup de complicité et d’amour dans ce parmi les œuvres d’art. Ces dernières émotion, puis seulement après découvrait la couple. La famille était essentielle pour eux, n’étaient pas sacralisées. Une rotation signature, ce qui explique aussi qu’il fût c’étaient des personnes sensibles régulière était d’ailleurs effectuée, car au réticent à l’émergence de l’art abstrait, plus et attachantes. Au fil de nos discussions, moins cinq à six cents tableaux conceptuel. Il refusait cette tendance Pierre m’a façonné. Il a fait sauter mes idées composaient sa collection en permanence intellectualisée de la peinture, lui opposant préconçues et participé à forger ma propre et n’avaient pas forcément vocation à y une conception plus humaniste et en prise personnalité de collectionneur. demeurer longtemps. Ce qui nécessitait directe avec la réalité. Il me disait souvent forcément un autre lieu de stockage… qui qu’il fallait « regarder l’artiste comme il est et était un vrai bunker ! non comme les gens voudraient qu’il soit ». LA GAZETTE DROUOT N° 22 DU 4 JUIN 2021 19 © COPYRIGHT AUCTIONSPRESS