Comment les États sont-ils choisis pour mener Quel a été le rôle de la France pour le vaccin les évaluations ? Comirnaty ? A. M. : Les rapporteurs et co-rapporteurs sont sélectionnés J.-M. R. : Pour ce premier vaccin, la France a été co-rap- en fonction de leurs compétences intrinsèques. La France porteur aux côtés de la Suède selon la procédure de par exemple, et donc l’ANSM, se positionne spécifique- rolling review. Nous avons évalué conjointement toutes ment sur les médicaments en hématologie, oncologie, en les parties du dossier (non clinique/ qualité pharmaceu- neurologie et sur les anti-infectieux. Tous les mois, nous tique/ clinique/ essais cliniques de phase III). L’évaluation recevons la liste des dossiers que les industriels dépose- a com mencé le 6 octobre, le dépôt d’AMM est intervenu ront sous 3 à 4 mois. Nous candidatons alors en tant que le 30 novembre avec une décision d’AMM conditionnelle rapporteur, co-rapporteur oupeer-reviewer. donnée le 21 décembre. Les équipes de l’ANSM sont inter- J.-M. R. : Le peer-reviewerjoue un rôle important. Il est en venues sur l’ensemble du dossier et se sont investies 7 quelque sorte le relecteur du rapport et à ce titre le garant jours sur 7 jusqu’à l’obtention de l’AMM conditionnelle. de sa qualité. A. M. : Nous devons démontrer notre robustesse et motiver Un mot sur la procédure de rolling review ? nos candidatures avec les CV des équipes d’évaluateurs. C’est ensuite le secrétariat du CHMP, notamment composé du président et du vice-président,qui sélectionne les J.-M. R. : La procédure de rolling review présente l’avan- équipes et c’est la meilleure qui l’emporte. L’ANSM tage pour un exploitant de déposer les résultats des diffé- obtient environ 15 % des dossiers en tant que rapporteur rentes phases de son médicament au fur et à mesure, ou co-rapporteur. Ce qui nous place parmi les premières contrairement à un dépôt classique d’AMM où le labora- agences en Europe. C’est très naturellement, compte tenu toire doit attendre d’avoir l’ensemble des résultats pour de notre expertise dans le domaine des vaccins, que nous déposer son dossier. Dans ce dernier cas, les autorités nous sommes portés candidats pour évaluer le dossier du ont 210 jours pour évaluer le dossier. Cette procédure de vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech. rolling review apporte les mêmes garanties de qualité, d’efficacité et de sécurité. Lorsqu’un État est choisi comme rapporteur A. M. : La procédure a été accélérée mais les équipes ont pour une évaluation, à quoi s’engage-t-il ? été triplées. Dans le cas d’une rolling review, l’AMM est toujours conditionnelle et le rapport bénéfice-risque est révocable à tout moment. Cette procédure ne peut être A. M. : On s’engage à publier un rapport de bonne qualité et utilisée que dans des situations d’urgence sanitaire. à respecter les calendriers. J.-M. R. : D’une manière générale, c’est extraordinaire de J.-M. R. : Quand elle se positionne, une autorité nationale participer à l’autorisation de médicaments innovants. En s’engage aussi pour toute la durée de vie du médicament, revanche, il est toujours délicat d’évaluer des vaccins, car c’est-à-dire son suivi une fois qu’il est mis sur le marché les patients traités sont en bonne santé et la notion de mais aussi lorsqu’il y a extension d’indication ou extension bénéfice-risque prend une tout autre dimension. Cela l’a pédiatrique ou toute autre variation. été d’autant plus dans une telle situation. Cette expérience A. M. : Être rapporteur sur un dossier exige beaucoup de a été très intense et l’évaluation a demandé un travail préparation et de savoir-faire en termes de communication colossal, mais à l’arrivée ce travail était de grande qualité. et de diplomatie pour présenter le dossier de manière claire, A. M. : C’était beaucoup de responsabilité en effet, et le convaincante et argumentée. Nous devons bien évidem- premier vaccin basé sur une telle technologie. Il y a eu ment connaitre le dossier dans le détail. Par principe, en tant une extrême mobilisation des équipes de l’ANSM pour que rapporteur, nous défendons l’évaluation et les conclu- répondre à l’urgence de la situation. Au total, une ving- sions de nos équipes d’évaluateurs. Mais les débats nous taine de personnes ont été mobilisées H 24 pour évaluer ce font parfois changer d’avis en cours de séance et il nous dossier. L’enjeu était énorme et la situation inédite. C’était faut alors savoir l’expliquer aux équipes en interne. une expérience extraordinaire, enrichissante et exaltante ! J.-M. R. : La décision d’AMM est l’aboutissement d’un long processus d’évaluation et d’échanges construit selon des sensibilités et des positions différentes. Dans la plupart des cas, il y a construction d’un consensus, mais il peut aussi y avoir arbitrage sur tout ou partie du dossier (effi- cacité/sécurité/qualité) et s’il y a opinion divergente d’un ou de plusieurs États membres, elle figure dans le rapport de façon très transparente. A. M. : Nous sommes de véritables “couteaux suisses” ; nous devons être polyvalents et réactifs. J.-M. R. : C’est un exercice d’équilibre où il faut arriver à faire valoir ses points de vue et être en capacité de tenir compte des points de vue des autres. Rapport d’activité ANSM 2020 | 181