UNE DÉCENNIE DE MUTATIONS parfois exagérée, de la thématique du burn-out et de formation. Et la mise en place d’une organi- ces dernières années, a été très utile. Elle a levé sation et de moyens adaptés. » le tabou des souffrances psychologiques au Un champ d’intervention qui, au-delà de travail, et sensibilisé pouvoirs publics, profession- l’obligation de sécurité, intègre donc les nels de santé, entreprises et travailleurs à des notions de santé, mais aussi celles de violence problématiques longtemps ignorées. On a enfin au travail (le harcèlement sexuel, par exemple), compris qu’au-delà de risques très identifiés, d’égalité des chances, d’employabilité. Sans comme le bruit, les agents chimiques ou les oublier la formation continue dans le contexte défaillances matérielles, l’organisation du travail de l’allongement des vies professionnelles. elle-même pouvait porter atteinte à la santé du travailleur » , souligne William Dab. UN MODÈLE VIEUX DE SOIXANTE-DIX ANS Le rapport 2016 du RNV3P, un réseau dédié Cependant, tout n’est pas parfait, loin de à la vigilance et à la prévention là. Principal écueil : la crise des pathologies profession- profonde et lancinante de la nelles, coordonné par l’Anses médecine du travail, profession (Agence nationale de sécurité LA qui peine à se réinventer. sanitaire de l’alimentation, de RESPONSABILITÉ « La médecine du travail est à un l’environnement et du travail), carrefour », prévient le profes- vient d’ailleurs le con firmer. DE L’EMPLOYEUR seur Jean-Marc Soulat, chef du Au sein des services de santé S’EST BEAUCOUP pôle santé publique et médecine au travail, les principaux RENFORCÉE. sociale du CHU de Toulouse, problèmes rencontrés sont, et président du collège des après les troubles musculosque- enseignants de médecine du lettiques (46 %), les pathologies travail. « Elle doit opérer une psychiques (35 %). rupture culturelle vis-à-vis d’un modèle vieux de Conséquence de cette évolution des menta- soixante-dix ans. Ce modèle, instauré par la loi du lités, le droit s’est consolidé. « La responsabilité 11 octobre 1946 rendant obligatoire la création des de l’employeur s’est considérablement renforcée services médicaux au travail, est caduc. » depuis quarante ans en France » , témoigne Deux raisons à cela : « D’abord parce qu’il fait Sébastien Millet, avocat spécialiste du droit du du seul médecin le pilier du dispositif. Or, on le sait travail et du droit des risques professionnels. aujourd’hui, cette approche médico-centrée ne « Aujourd’hui, les chefs d’entreprise n’ont plus le suffit pas. Elle est trop restrictive et… nous choix, ils doivent s’investir dans la prévention. » n’avons pas assez de médecins. Ensuite, parce qu’il L’obligation de sécurité de résultat, édictée par suggère qu’une simple visite médicale annuelle et l’article L 4121-1 du Code du travail, stipule obligatoire garantit la sécurité et la santé du sala- que « l’employeur prend les mesures nécessaires rié au travail. Or, l’idée que la suppression pour assurer la sécurité et protéger la santé des risques professionnels passe par une visite physique et mentale des travailleurs. Ces mesures purement médicale est un non-sens. » Aux yeux comprennent des actions de prévention des des spécialistes, deux évolutions sont risques professionnels ; des actions d’information souhaitables. D’une part, mettre l’accent sur 26 ytteG ©